mercredi, mars 05, 2014

Rapports de RSF et du CPJ pour 2013


Deux rapports concernant l’état de la liberté de la presse et de l’information dans le monde pour l’année 2013 sont sortis récemment : celui de Reporters sans Frontières et celui du Comité pour la Protection des Journalistes.

Sans surprise, la Syrie arrive dans les rangs les plus bas du classement de Reporters sans Frontières, occupant la 176 position (sur 180). RSF indique que « de tous les pays classés, c’est celui où les exactions contre la liberté de l’information auront été les plus nombreuses. Les professionnels de l’information sont pris pour cibles par les différentes parties au conflit, par l’armée régulière et par les factions d’opposition, qui s’y livrent une guerre de l’information. »

Le CPJ classe aussi la Syrie comme le pays le plus meurtrier pour les journalistes qui font face, depuis 2013, aux menaces supplémentaires des groupes islamistes radicaux. Le nombre d’enlèvements a triplé en 2013. Beaucoup de journalistes kidnappés sont détenus par des groupes affiliés à Al Qaeda ou à L’État islamique au Levant et en Irak. Mais des factions armées issues des rangs de l’Armée syrienne de libération ou pro gouvernementales sont aussi à blâmer pour des violations de liberté de la presse, des détentions ou des meurtres. Beaucoup de correspondants étrangers refusent maintenant d’entrer dans le pays, et les journalistes syriens ont le choix entre l’exil ou vivre dans la peur.

Au moins 61 journalistes syriens et étrangers ont été enlevés en 2013, par différents groupes sur le terrain, parfois par des combattants non syriens (les enlèvements de journalistes étaient au nombre de 23 en 2012). Certains de ces journalistes ont été relâchés ou ont pu s’enfuir, mais à la fin de 2013, le sort de 30 d’entre eux restait inconnu.

29 journalistes, étrangers ou syriens, ont été tués l’année dernière, dont le photographe Olivier Voisin, blessé en Syrie mais mort peu après de ses blessures en Turquie. 

L’Iran arrive assez à la 174e place du classement RSF. Le ministère des Renseignements et les Gardiens de la Révolution continuent de contrôler toute l’information, que ce soit la presse écrite, les sites Internet, les medias audiovisuels. RSF parle aussi d’une « internationalisation de la répression » du fait que les familles de journalistes iraniens travaillant à l’étranger ou pour des media étrangers basés en Iran sont « prises en otage ». La République islamique remporte aussi le titre de « cinquième plus grande prison du monde pour les acteurs de l’information ».

Durant toute la période électorale, jusqu’aux élections de juin 2013, le gouvernement d’Ahmadinejad s’est livré à des arrestations préventives, à des fermetures de publications, a exercé des menaces et des pressions sur les familles de journalistes exilés et a ralenti délibérément les connexions et le trafic sur Internet. Les correspondants étrangers ont eu des difficultés à obtenir des visas et ceux qui ont pu se rendre en Iran ont fait face à toutes sortes de restrictions sur le terrain. 

Le gouvernement d’Ahmadinejad a d’ailleurs ouvertement reconnu sa politique de répression des media, arguant qu’il s’agissait de déjouer « un complot de la BBC contre la République islamique ». En mars 2013, le ministre des Renseignements, Heydar Moslehi, a ainsi déclaré que « 600 journalistes iraniens faisaient partie d’un réseau d’espionnage contre l’État, associé à la BBC et que leurs arrestations avaient pour but de prévenir l’émergence d’une sédition durant les élections ». Entre le 26 janvier et le 6 mars, le CPJ a relevé l’arrestation de 20 journalistes, dans une répression de grande ampleur visant à étouffer toute dissidence avant le jour du scrutin. Au moins 24 familles de personnes travaillant pour la BBC ou Radio Farda ont été soumises à un harcèlement et à des intimidations de la part des autorités.

Au-delà de sa censure habituelle de l'Internet, le gouvernement a pris des mesures extraordinaires pour limiter les échanges en ligne en utilisant des outils de surveillance plus rigoureux des réseaux privés. De façon générale, Twitter et Facebook sont bloqués dans le pays, même si de nombreux responsables du régime ont des comptes officiels ou semi-officiels.

La Turquie (classée 154e) remporte la première place de « plus grande prison du monde  pour les journalistes » selon RSF, qui dénonce « la paranoïa sécuritaire de l’État, qui tend à voir en chaque critique le résultat de complots ourdis par diverses organisations illégales » [et qui] s’est encore accentuée au cours d’une année marquée par un fort regain de tension sur la question kurde. »

La Turquie est aussi désignée comme « la pire des geôles pour la presse » par le CPJ, avec 40 journalistes emprisonnés, kurdes à une écrasante majorité. Les autorités continuent de harceler et de censurer toute voix critique, par exemple en faisant renvoyer des personnes travaillant dans les media. 

Ainsi près de 60 journalistes ont été licenciés ou poussés à démissionner pour avoir couvert les événements de Gezi Park en juin 2013. De façon générale, le gouvernement turc est pointé du doigt pour ses tentatives de censure, de menace et de restriction de l’utilisation d’Internet. 

Le CPJ constate aussi que le processus de négociations amorcé avec le PKK n’a pas, pour le moment, abouti à libérer les journalistes kurdes. Les amendements législatifs pris par le gouvernement n’ont comporté aucune réforme effective des lois contre la liberté de la presse et d’opinion, hormis une « timide avancée » qui doit limiter l’utilisation des disposition contre la « propagande terroriste » largement utilisées contre les journalistes, surtout ceux d’opposition. Mais les amendements ont épargné un des articles les plus liberticides contre la presse, celui qui a permis de convaincre « d’appartenance à une organisation armée » 60% des journalistes emprisonnés en Turquie à la date du 1er décembre 2013.

Parmi les cas de harcèlement et de menaces qui ont cours librement en Turquie contre des journalistes, le CPJ cite la campagne d’attaque sur Twitter, menée par le maire d’Ankara, Melih Gökçek, contre un reporter turc de la BBC, Selin Girit, en juin 2013, publiquement qualifié de « traitre et d’espion » sur le réseau Internet, pour sa couverture des manifestations anti gouvernementales. 

Durant les événements de Gezi Park, au moins 22 journalistes ont été renvoyés et 37 obligés de démissionner pour avoir fait leur travail selon l’Union des journalistes turcs. Durant ces mêmes événements, la police a usé de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser les manifestants comme les journalistes présents.

Mais il n’y a pas que les événements de Gezi Park qui encourent la censure d’État. Ainsi, Hasan Cemal, éditorialiste au journal Milliyet, a été renvoyé, quelques semaines après que le Premier Ministre turc a, en mars 2013, critiqué une publication du journal et le travail de cet éditorialiste en particulier. Milliyet avait en effet publié les minutes d’une rencontre entre la direction du PKK et des députés du parti pro kurde BDP. Hasan Cemal avait, dans ses écrits, approuvé et soutenu la décision de cette publication.

En Irak, 10 journalistes ont été tués en 2013, dans des circonstances et des motifs peu clairs. Pour cent journalistes tués dans la dernières décennies, sans une seule condamnation, le pays demeure un des pires au monde concernant l’impunité des meurtres, alors que bien des cas pourraient élucidés si les autorités en avaient la volonté, selon le CPJ.


Les autorités irakiennes comme les kurdes continuent de détenir brièvement des journalistes mais à la date de décembre 2013, le CPJ n’avait enregistré aucun emprisonnement.

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