mercredi, mai 14, 2008

"Même si nous leur demandions de revenir dans la Région du Kurdistan, ils refuseraient !"


Interview de l'ancien responsable de l'UPK Nawshirwan Mustafa, par Kamal Rauf, du journal Hawlati.

Né en 1944, Nawshirwan Mustafa est un ancien peshmerga, le co-fondateur de l'UPK et son Secrétaire général adjoint jusqu'en décembre 2006, date à laquelle il démissionna, en raison d'un désaccord entre Jalal Talabani et lui même sur son agenda de réformes électorales au sein du parti. Nawshirwan Mustafa souhaitait notamment lutter contre l'absence de démocratie et le népotisme au sein de l'UPK, et promouvoir le renouvellement des cadres, dont souffre cruellement ce parti. Cela ne l'empêche pas d'être présenté parfois comme le successeur possible de Jalal Talabani à la tête de l'Irak, d'autres lui opposant Qubad Talabani, le propre fils de l'actuel président. Il tente actuellement de créer un centre de média indépendant à Suleïmanieh.


Hawlati : De nos jours, l'incompétence des partis politiques et la corruption dans le gouvernement sont source d'un désespoir profond parmi les jeunes. Jusqu'à quel point ce désespoir peut affecter notre avenir ?

Nawshirwan Mustafa:

Bien sûr, l'absence d'espoir est mauvaise pour toutes les situations et toutes les époques.

Il faut toujours croire en l'avenir et dans le fait que le monde change constamment. On n'arrête pas le cours de l'Histoire. Je crois que l'un des plus grands rôles que la presse indépendante peut jouer est de raffermir l'espoir des citoyens dans le changement et dans l'améliroation de leur condition. Ils ne doivent pas renforcer ce sentiment de désespoir.

Hawlati: Que pensez-vous que la presse indépendante puisse faire pour réduire ce sentiment de désespoir qui imprègne le moral des citoyens du Kurdistan, surtout les jeunes ? Ne pensez-vous pas que le gouvernement est le premier responsable de cette absence d'espoir des citoyens ?

Nawshirwan Mustafa:

C'est vrai. Mais l'autre aspect du problème pourrait être que la presse indépendante a, ces dernières années, seulement eu une attitude critique, et n'a montré que les faces sombres du pouvoir. En d'autres termes, ils ne montrent jamais la face "claire" de ce pouvoir. Dans le même temps, je crois pas que ce sentiment de désespoir ait submergé les citoyens et pour autant que je sache, même parmi les jeunes gens, il y a beaucoup d'espoirs. Parmi les cadres de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et des autres partis, il y a de l'espoir et des attentes positives envers ce qui peut être amélioré en termes de justice sociale et concernant le problème de la corruption. Je ne sais pas ; moi même, je n'ai pas constaté un tel degré de désespoir parmi les citoyens.


Hawlati: Il y a eu l'idée que les Americains auraient un impact sur la mentalité politique des dirigeants kurdes, surtout après la chute du régime dictatorial de Saddam Hussein. Il y a eu aussi l'espoir que les dirigeants kurdes se préoccuperaient plus attentivement et plus sérieusement des conditions de vie du peuple kurde. Mais il semble qu'à présent toutes ces questions sont brouillées et que le PDK et l'UPK monopoliseront le pouvoir pour toujours. Ne croyez-vous pas que cela puisse être un facteur poussant nos jeunes au désespoir et à perdre toute foi en un possible changement ?

Nawshirwan Mustafa:

D'abord nous ne devons pas croire que dès que l'Amérique vient dans un pays, c'est pour y installer la démocratie et les droits de l'homme. L'Amérique a une stratégie globale. La place de l'Irak dans cette stratégie globale est évidente. L'Amérique est venue pour ses propres intérêts, pour les consolider et remplir ses propres objectifs. L'Amérique n'est pas venue dans ce pays pour apporter les droits de l'homme et la démocratie. Pour cela, nous ne devons dépendre que de nous mêmes et tirer avantage de la conjoncture internationale. Si nous ne dépendons que des USA et leur demandons de faire ceci et cela, ils ne feront rien. Le soutien des Américains aux deux parties (PDK et UPK) joue un rôle dans leur maintien au pouvoir. Mais au moment des élections, la majorité des gens ont voté pour ces deux partis. Ils ne sont pas venus au pouvoir par un coup d'Etat militaire. J'étais l'un de ceux qui ont voté pour eux et encouragé les autres à faire de même.

Hawlati: Dans quelle mesure la mentalité politique des Américains a influencé la mentalité politique des dirigeants kurdes ?

Nawshirwan Mustafa:

Aucune, je crois.


Hawlati: Comment voyez-vous l'avenir des relations entre les USA et le Kurdistan? Êtes-vous optimiste à ce sujet ? Ou prévoyez-vous des changements significatifs?

Nawshirwan Mustafa:

D'abord, dans la mesure de ce que j'ai compris, les Américains sont venus pour rester, et non pour partir. A court et à moyen terme, les Américains resteront en Irak. Mais dans quelle mesure cela aura un impact positif sur la mentalité politique kurde, c'est quelque chose que nous même devons décider. L'Irak est une question internationale. Sur les problèmes de démocratie et de sécurité, les USA entretiennent d'étroites relations avec certains pays de la région, alors même que ces pays ne respectent ni la démocratie ni les droits de l'homme et oppriment au contraire leur propre peuple. La priorité des Américains est de sauvegarder leurs propres intérêts en Irak. De ce fait, la question du renforcement de la sécurité et de la stabilité dans ce pays passe avant celles de la démocratie et du combat contre la corruption. Maintenant, si nous regardons la situation, nous voyons que le poids du Kurdistan s'affaiblit dans la balance américaine, surtout depuis que les Chiites se sont réorganisés et que les Sunnites ont créé les Sah'was. Les intérêts américains en Iraq nécessitent d'accorder une plus grande attention à la Shia et aux Sunnites qu'aux Kurdes. Le rôle de la Turquie dans cette équation est aussi important. C'est la Turquie qui oblige souvent les USA à négliger les droits nationaux des Kurdes.


Hawlati: Donc, que pensez vous : que le poids politique des Kurdes va se maintenir ou diminuer ?

Nawshirwan Mustafa:

Tant que l'Irak ira vers la démocratie et la liberté, le poids kurde augmentera plutôt que diminuera. L'une des raisons à la montée massive de la corruption et des restrictions des libertés politiques au Kurdistan est l'instabilité de Bagdad. Si nous comparons Bagdad et le Kurdistan, si nous regardons le travail des parlements irakiens et kurdes, ne pouvons-nous trancher lequel des deux parlements est le plus actif et a le plus de débats démocratiques ? Où y a-t-il le plus de transparence, en Irak ou au Kurdistan ? Dans quelle partie y a-t-il le plus de liberté d'expression et pour les média, au Centre ou au Kurdistan? Laquelle a le plus de transparence en annonçant et expliquant l'allocation et l'utilisation du Budget et en demandant des comptes aux ministres accusés de corruption et d'abus de pouvoir ? En tous ces points, la démocratie et la transparence sont plus grandes à Bagdad qu'au Kurdistan. Les débats qui ont lieu au Parlement irakien sont plus vivants, intenses et démocratiques que dans notre Parlement. Ainsi, je crois que si la situation à Bagdad évolue vers la stabilité, cela aura un effet sur la situation politique au Kurdistan.


Hawlati: Pensez-vous que le problème de Kirkouk et de l'article 140 seront résolus de la façon que souhaitent les Kurdes ? Que pensez-vous de confier cette question àl'ONU ?

Nawshirwan Mustafa:

Toutes les questions [internationales] qui ont été confiées à l'ONU pour qu'il les résolve sont devenues plus complexes et ont duré plus longtemps. Ce ne sera pas différent pour Kirkouk. Si un mission est donnée à l'ONU, alors cela prendra longtemps, peut-être des années. Et il n'est pas du tout évident que l'issue sera dans l'intérêt des Kurdes, parce que les Kurdes n'ont aucune influence au sein des Nations Unies, tandis que les lobbies des Arabes et des Turcs sont très puissants, plus puissants que les amitiés kurdes dans cet organisme.


Hawlati: On a beaucoup parlé du budget de la Région du Kurdistan, comment il est alloué et comment il est dépensé. On dit que ce Budget n'a aucune transparence. Une rumeur court selon laquelle 23% du Budget total est alloué au ministère des Finances, et que c'est bien plus que ce que le ministère de l'Education et celui de la Santé ont reçu ?

Nawshirwan Mustafa:

Depuis le début [de l'autonomie kurde dans la Région, soit dès 1991] jusqu'à maintenant, il n'y a jamais eu aucune transparence dans les Budgets du Kurdistan irakien. C'est l'une des plus grandes critiques qui lui est faite et l'une des principales raisons qui fait que les partis politiques [PDK et l'UPK] et le gouvernement sont accusés de corruption. Je pense qu'il est normal que les partis politiques, les organisations civiles et les médias reçoivent un soutien financier via le Budget de la Région. Mais je crois pas qu'il soit normal de laisser dans l'ombre ce soutien, sans que personne ne sache ce qui a été dépensé et pour qui. Cet argent est de l'argent publique. Vous êtes libre d'utiliser et de dépenser vos propres fonds privés comme bon vous semble ou de vous enrichir. Mais concernant l'argent publique, vous n'avez pas la liberté de séparer votre propre peuple en deux catégories : l'une richissime et l'autre pauvre. Je pense qu'il est très malsain d'utiliser les fonds publics pour renforcer les partis. Ce serait une bonne chose de révéler la manière dont le Budget est utilisé en ce sens. Il est néfaste de continuer à agir en secret, comme ce que nous constatons à présent.


Hawlati: Les observateurs politiques pensent que les Kurdes ont subi de lourdes pertes dans les luttes internes [entre le PDK et l'UPK]. Ils pensent que l'actuel accord stratégique entre les deux partis nuit au peuple kurde mais d'une façon différente, en restreignant le champ des libertés politiques. Que pensez-vous de l'accord ?

Nawshirwan Mustafa:

Un accord entre l'UPK et le PDK ne peut être que dans l'intérêt du peuple kurde. S'il y a conflit, ce sont les Kurdes qui en pâtiront. Il se peut que cet "accord stratégique" se fasse pour monopoliser le pouvoir et réduire le champ des libertés politiques. Mais cela peut, de la même façon, être utilisé pour élargir le champ des libertés politique et de la démocratie, et pour améliorer les conditions de vie du peuple ainsi que les services, pour empêcher les luttes internes et meurtrières. Par principe, je pense que tout accord entre eux bénéficiera aux Kurdes, mais dans le même temps, je pense qu'aussi longtemps que la rivalité militaire subsistera entre leurs forces de peshmerga, le risque que cette rivalité dégénère en conflit armé subsistera.

Hawlati: Pour envisager les choses autrement, ne croyez-vous pas que cet accord a eu lieu parce qu'aun des deux partis n'acceptait la défaite ?

Nawshirwan Mustafa:

Oui, cela aussi est vrai.

Hawlati: Cet accord peut aussi être interprété de façon négative pour les citoyens en provoquant le ressentiment de la majorité des gens restant en dehors de ces partis, qui ont dépensé toute leur énergie pour changer les choses et améliorer leur vie de beaucoup de façons, alors que ces deux partis jouissent maintenant d'un plus grand bien-être et d'un pouvoir économique ?

Nawshirwan Mustafa:

De façon superficielle, cela peut être le cas. Mais toutes les alternatives nouvelles ont été refusées par le peuple. Au moment des élections, nous avons demandé aux citoyens de voter pour ces deux partis. Si une alternative s'est présentée et si les gens n'ont pas voté pour elle, cela peut indiquer une absence d'espoir parmi eux, mais je ne sais pas si c'est une preuve probante de désespoir.

Hawlati: La preuve en est cette émigration massive des jeunes dans les pays étrangers, les gens qui ont perdu tout enthousiasme pour l'action politique, et il y a de nombreuses critiques émanant des citoyens ici et là envers le pouvoir politique qui n'a pas réussi à se rendre efficace.

Nawshirwan Mustafa:

C'est vrai en grande partie. Mais la jeunesse part en raison de la situation économique qui n'est pas bonne. Quand ils arrivent [dans leur pays de destination] certains d'entre eux continuent de s'impliquer dans une activité politique. Ils ne restent pas oisifs.

Hawlati: Faisant partie de la branche réformiste, vous considérez-vous comme étant dans l'opposition ou juste comme faisant partie d'un groupe critique ?

Nawshirwan Mustafa:

Premièrement nous ne sommes pas une branche en tant qu'entité organisée. Deuxièmement : nous ne sommes pas un groupe d'opposition. L'opposition doit être une alternative aux partis du gouvernement en termes de programme et d'action politique. Nous ne sommes ni un parti, ni une branche. Nous n'avons pas élaboré de programme politique. Nous pouvons donc dire que nous sommes un groupe critique.

Hawlati: Si la situation continue comme maintenant, envisagez-vous dans le futur de former une liste indépendante, de prendre la tête d'un mouvement dans la société actuelle, ou de prendre part aux élections en tant que candidat indépendant ?

Nawshirwan Mustafa:

Je répondrai à ces questions le moment venu.

Hawlati: Comment voyez-vous l'avenir du Kurdistan?

Nawshirwan Mustafa:

Je vois l'avenir brillant pour le pays. Je veux apporter un tremplin pour l'optimisme. Ces 15 dernières années, 50. 000 étudiants ont achevé leurs études universitaires. Ils sont devenus docteurs, avocats, ingénieurs, professeurs, et experts dans différents domaines. Dans ce monde, la richesse d'un pays se mesure à la qualité de ses ressources humaines et non au nombre de barrils de pétrole qu'il produit ou d'or qu'il possède. Nous avons une grande richesse qui est notre jeunesse.

Hawlati: Pensez-vous que le gouvernement est capable d'utiliser cette richesse humaine ? Par exemple, le népotisme et les pots-de-vin sévissent dans les partis politiques, comment pouvons-nous parier, dans ce cas, sur ces ressources humaines ?

Nawshirwan Mustafa:

Jusqu'ici il n'a pas été possible d'utiliser cette richesse nationale, la jeunesse, et la raison en est ce que l'on peut appeler la "Vieille garde". La Vieille Garde contrôle maintenant la vie des partis et le gouvernement. Parmi ces 50.000 diplômés, je ne crois pas que 50 d'entre eux entreront au Parlement ou dans un cabinet mais je suis sûr que cela va changer, et dans pas si longtemps que ça.

Hawlati: Une partie des critiques de notre jeunesse est que les dirigeants des partis kurdes ne prêtent attention qu'à la population âgée et n'essaient pas de former la nouvelle génération à assumer des responsabilités à un niveau dirigeant.

Nawshirwan Mustafa:

C'est un combat que les jeunes doivent mener eux mêmes. Il n'y a aucun exemple dans l'Histoire qu'aucune classe dirigeante ait jamais cédé son pouvoir de bon gré. Ils doivent en être réduits à cela. Par conséquent notre jeunesse doit se lancer dans la compétition et obliger les plus vieilles générations à leur céder la place.


Hawlati: On discute beaucoup aussi du Parlement. Les gens disent que les députés sont tous issus des partis, incapables d'évaluer les problèmes et donc de remplir leur rôle ?

Nawshirwan Mustafa:

J'ai récemment publié un article sur le Parlement. Il est encourageant que ce Parlement bouge : vous savez qu'il n'a pas de grandes compétences. Mais jusqu'ici il avait des vues différentes sur la Loi sur le journalisme, les problèmes de pétrole et de gaz, les lois civiles, les questions de budget, de contrôle et de gestion des finances. Quelque personnes au Parlement ont commencé d'émettre des opinions et de faire bouger cette institution pour une évaluation des problèmes réels. Mais cela n'a pas atteint le niveau nécessaire, ni celui que les citoyens souhaitent. En bref, je ne suis moi même pas satisfait de la situation existante. J'avais espéré qu'il puisse être plus actif et plus efficace. L'une des causes peut en être l'influence des partis politiques.

Hawlati: Que peuvent faire les citoyens pour que ce Parlement soit plus actif et plus efficace ? Par exemple, vous parlez de la Loi sur le journalisme. Il est possible qu'elle puisse être orientée dans une direction encore plus mauvaise. Que peuvent les députés pour rendre le Parlement plus actif ?

Nawshirwan Mustafa:

Je voudrais dire qu'en tant qu'individus, tous les députés sont de braves gens, patriotes, qu'ils aiment leur pays. Au lieu de toujours les critiquer ou de publier leurs photos quand ils dorment, la presse pourrait user de deux approches différentes : d'abord en parlant avec eux, en débattant avec eux et en les encourageant individuellement à devenir plus efficaces. La seconde approche est qu'au lieu de se préoccuper uniquement de les attaquer dans les journaux, elle pourrait leur suggérer des choix raisonnables et des solutions aussi ; ou bien des analyses et des commentaires sur les projets de loi qui seront débattus et décidés, de sorte qu'ils seraient mieux informés et éclairés sur ces sujets. Tous les députés ne peuvent être mesurés à la même aune. Certains sont informés sur le monde extérieur. Il y en a d'autres qui ne sont au courant de rien. Certains sont actifs, d'autres non. Oui, le Parlement n'est pas actif. Il devrait l'être plus qu'aucune autre institution parce que ses membres ne peuvent être limogés et punis pour ce qu'ils disent, alors que tous les membres des instances dirigeantes au sein des partis et du Cabinet peuvent être changés. Les députés ne peuvent être révoqués jusqu'à ce que leur mandat ait pris fin ou bien qu'ils choisissent de démissionner. Ils ont une immunité dont ils peuvent user. Ils peuvent se mettre en avant et militer pour une plus grande activité et imposer leur nom pour les élections suivantes. Les journalistes peuvent les aider en cela en coopérant avec eux et en les encourageant plutôt que d'exposer seulement leurs défauts.

Hawlati: Mais vous ne pensez pas que l'incompétence du Parlement résulte du système qui prévaut, dans lequel les partis interfèrent en tout, ou bien est-ce juste qu'il n'y a pas de parlementaires compétents ?

Nawshirwan Mustafa:

Je pense que la raison principale est l'interférence des partis politiques.

Hawlati: Aujourd'hui, la presse indépendante subit de fortes attaques de la part des médias des partis dominants. Qu'en pensez-vous ? est-ce que cela vient de l'approche du PDK et de l'UPK envers la presse indépendante ?

Nawshirwan Mustafa:

Vous croyez en la liberté d'expression. Se défendre est un des aspects de cette liberté d'expression. Eux mêmes étant constamment en butte aux critiques de la presse libre, ils répondent à ces critiques.

Hawlati: Qu'est-ce qui peut être fait pour que la presse indépendante touche davantage les citoyens ?

Nawshirwan Mustafa:

Elle devrait être plus exacte et plus honnête en publiant ses informations et en traitant les sujets. Le plus important est qu'ils cessent de présenter uniquement le côté sombre des situations et les aspects frustrants des événements. Les réussites et le bon travail devraient être relevés dans les journaux, de sorte que le pouvoir politique et les dirigeants des partis ne puissent plus penser que la presse indépendante n'est là que pour s'opposer à eux. Oui, elle doit critiquer le gouvernement et les actions néfastes du pouvoir politique. C'est la tâche principale des journalistes. Malheureusement, dans ce pays nous n'avons pas été capables de consolider ce Quatrième Pouvoir bien que les autres pouvoirs soient faibles aussi. Mais de tous le Quatrième Pouvoir est le plus faible. Pour le rendre puissant et efficace, les nouvelles, les opinions, les écrits et les analyses doivent être fondés sur des règles de vérité et de rigueur.


Hawlati: Il y a une rumeur selon laquelle le congrès de l'UPK sera annulé jusqu'à que des discussions aient lieu entre vous et ceux qui sont critiques envers le parti ; et qu'ainsi aucun congrès ne pourra se tenir jusqu'à ce que ce problème soit résolu ?

Nawshirwan Mustafa:

Je n'ai aucune information là-dessus et n'ai été approché par personne à ce sujet.

Hawlati: Si cela se produit, serez-vous ouvert à une négociation ?

Nawshirwan Mustafa:

Je suis en dehors de ces questions. Mais il y a un certain nombre de personnes du Bureau politique avec qui ils peuvent négocier.

Hawlati: Envisagez-vous la possibilité de retourner au sein de l'UPK ?

Nawshirwan Mustafa:

Actuellement, pas du tout.

Hawlati: Quatre partis ont présenté un memorandum au gouvernement. Qu'en pensez-vous ? Est-ce qu'ils peuvent devenir un groupe d'opposition ou faire partie de ce gouvernement ?

Nawshirwan Mustafa:

Je me dois de donner mon opinion là-dessus : il n'y a pas d'opposition. J'ai dit que ces quatre-là pourraient participer au gouvernement et soutenir le PDK et l'UPK sur les questions importantes. Mais s'ils ne participent pas au gouvernement et jouent un rôle d'opposants ces deux partis peuvent les affamer à mort. Leurs cadres ne seront pas payés, leurs officiels ne recevront aucun traitement et ils n'auront aucun moyen financier de se maintenir à flot. C'est très triste mais c'est le cas et j'en suis moi même désolé. Mais je pense qu'ils peuvent faire un bon travail en continuant de faire pression pour l'application des requêtes qu'ils ont présentées dans leur memorandum.

Hawlati: Pensez-vous qu'il y a un début de transformation dans leur relations avec le PDK et l'UPK ?

Nawshirwan Mustafa:

Je ne pense pas. Je pense que le but est d'obtenir plus d'avantages du gouvernement.

Hawlati: On dit souvent que Nawshirwan Mustafa parle seulement du passé et n'a jamais rien à dire sur le futur alors qu'il en en position d'apporter des changements ?

Nawshirwan Mustafa:

Oui. Je parle du passé afin d'en tirer des leçons pour le présent. La série d'articles que j'ai écrit était une forme de philosophie politique pour le gouvernement. Quand nous réclamons que les partis soient écartés des pouvoirs exécutif et législatif, cela veut dire que les partis doivent quitter les universités, les forces des peshmarga et la sécurité. Rien que cela est une approche politique différente de ce qui a toujours été jusqu'à présent. C'est quelque chose pour le futur. Quand vous dissociez le parti de l'Etat, alors l'Etat devient une institution indépendante. Mais actuellement le parti a remplacé l'Etat. C'est le parti qui dirige les pouvoirs exécutif et législatif et les autorités universitaires. Cette approche ne concerne pas le passé, mais le présent. Les anciennes questions dont j'ai parlé telles que les négociations entre le Front du Kurdistan et le régime du Baath se répètent maintenant entre les Kurdes et Bagdad sur la question de Kirkouk et d'autres questions. Je ne fais pas de l'histoire pour faire de l'histoire. Et quand j'appelle les partis à quitter le Parlement et à se séparer du gouvernement, je parle du présent.

Hawlati: Des observateurs pensent que le pouvoir du gouvernement central (Bagdad) pourrait se renforcer dans la région et ils considèrent cela comme la perte d'un acquis important du Soulèvement (de 1991) et d'indépendance ?

Nawshirwan Mustafa:

Non, ce n'est pas le cas. Les conditions actuelles se consolident chaque jour et il ne sera plus possible d'avoir un pouvoir central à Bagdad dans la forme qui a existé précédemment. Cela ne sera pas accepté par le peuple kurde et même par les dirigeants kurdes.

Hawlati: le PDK et l'UPK contrôlent les petits partis via les fonds qu'ils leur allouent. Ne pensez-vous pas que le gouvernement central peut user de la même méthode ? Contrôler les partis politiques et le Kurdistan à travers le budget qui lui est alloué ?

Nawshirwan Mustafa:

Non, ce qu'ils nous donnent n'est pas une faveur. C'est notre part [constitutionnelle] du Budget total du gouvernement irakien.

Hawlati: Ce que le PDk et l'UPK donnent aux autres partis n'est pas en principe une faveur, mais en pratique ça l'est devenu, non ?

Nawshirwan Mustafa:

Oui, maintenant le PDK et l'UPK donnent des fonds aux autres partis comme une faveur. Mais àBagdad il y a un Etat, au sein duquel nous sommes partenaires. Nous participons à la présidence de la République, au gouvernement et au Parlement. Le Budget que nous recevons vient des revenus de l'Irak. Pendant longtemps l'Irak a survécu avec le pétrole de Kirkouk, maintenant nous recevons les bénéfices du pétrole de Basra. Cela s'est retourné en notre faveur.

Hawlati: Mais dans vos propres écrits vous n'êtes pas satisfait de l'action des officiels kurdes à Bagdad. Vous ne croyez pas que l'Irak peut utiliser leur faiblesse pour regagner un contrôle sur la Région du Kurdistan ?

Nawshirwan Mustafa:

Non, je crois qu'à présent, même si nous leur demandions de retourner dans la Région du Kurdistan, ils refuseraient !

Hawlati, Sulaïmanieh, 30 avril 2008.



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