mardi, octobre 30, 2007

Le livre du dedans

"Un oiseau s'est posé sur le sommet d'une montagne ; il s'est envolé.
Qu'est-ce que la montagne a perdu et qu'a-t-elle gagné de ce fait ?"


"Quelqu'un dit : "Mawlana ne parle pas." Je dis : "C'est mon imagination qui a attiré cette personne" ; mon imagination ne lui dit pas : "Comment vas-tu ?" ou "Comment te portes-tu ?". Elle l'a attiré sans parole. Si ainsi ma réalité l'attire et l'amène en un autre lieu, quoi d'étonnant ? La parole est l'ombre de la réalité et son accessoire. Si l'ombre attire, à plus forte raison la réalité." 

Un des motifs puissants de la malâmatiyya est l'horreur des éloges mal venus, la louange des imbéciles, des niais, des aveugles, des paresseux, des ignorants. Le réflexe qui prime chez eux est l'indignation ou la suspicion : "Qui es-tu pour me louer, toi ???" (C'est-à-dire l'opposé de la doxa du jour qui veut que "personne n'a le droit de blâmer personne, et qui es-tu pour me faire la morale, gna gna gna..."). Or si un Malâmatî ne cherche que cela, le blâme, c'est peut-être pour éviter certaines louanges qui sonnent en insultes tellement elles viennent de très bas... un peu comme on se gare prudemment d'éclats de boue. La question est : pourquoi se sentaient-ils à ce point offensés? Et qu'est-ce qui les offensait ?
La superficialité. Et comme la superficialité est à la fois hâtive et paresseuse, elle a quelque chose de la muflerie, et donc elle relève de la grossièreté, de l'offense.

"Le Maître dit que Sayyid Borhân-ud Dîn Mohaqiq (que dieu sanctifie son secret !) parlait quand quelqu'un entra, disant : "J'ai entendu ton éloge dans la bouche d'un tel. "Il répondit : "Voyons, qui est cet un tel ? A-t-il vraiment le rang spirituel nécessaire pour me connaître et faire mon éloge ? S'il me connaît seulement par les discours, il ne me connaît pas ; car ces discours, cette bouche et ces lèvres ne durent pas : tous ces phénomènes ne sont qu'accidents. Mais s'il me connaît par mes actions, s'il connaît mon essence, je sais qu'il peut faire mon éloge, et que son éloge est le mien.""

"Quelqu'un vint. Le Maître demanda : "Où étais-tu ? Nous avions un ardent désir de te voir, pourquoi es-tu resté loin de nous ?" - Il répondit : "C'était le hasard." Le Maître dit :"Nous faisons aussi des prières pour que ce hasard change et s'annihile. Un hasard qui produit la séparation est un hasard qui ne doit pas être."

On raconte que Mohammad (sur lui le salut) était revenu de la guerre sainte avec ses compagnons. Il dit : "Qu'on batte du tambour, cette nuit nous allons coucher devant la porte de la ville. Demain nous y entrerons." On lui demanda : "Pourquoi cela ?" Il répondit : "Peut-être que vos femmes se trouvent avec des hommes étrangers, vous serez vexés de le voir, et il y aura un scandale." Un de ses compagnons ne l'écouta pas ; il entra, et trouva sa femme avec un étranger."



"Quand les vêtements du faqîr sont usés et déchirés, alors son coeur est ouvert."


"Il y a une tête qui sort d'un bonnet doré ; et une tête dont la beauté des boucles est dissimulée par un bonnet doré et une couronne incrustée de pierreries. Car les boucles des beautés attirent l'amour ; là est le trône des coeurs ; la couronne dorée est objet inanimé ; celui qui la porte est le bien-aimé du coeur."




"Où que tu sois, et dans quelque situation que tu te trouves, essaie toujours d'être un amoureux et un amoureux passionné. Une fois que tu posséderas l'amour, tu seras toujours un amoureux, dans le tombeau, lors de la résurrection, dans le Paradis, à jamais."

"Majnûn désirait écrire une lettre à Laylâ. Il prit une plume et écrivit ses vers :



Ton nom est sur mes lèvres,
ton image est dans mes yeux,
ton souvenir est dans mon coeur :
à qui donc écrirais-je ?



Ton image réside en mes yeux, ton nom n'est pas hors de mes lèvres, ton souvenir est dans les profondeurs de mon âme, à qui donc écrirais-je, puisque tu te promènes en tous ces lieux ? La plume s'est brisée et le papier s'est déchiré."

Ou quand Mawlana se fâche, ce qui donne, en gros : "Tu ne sais même pas que ta femme est une pute et tu prétends percer les secrets de l'univers ?" Ils sont d'un délicieux, par moment, ces cheikhs...
"Quelqu'un dit : "cet astronome déclare : "Vous prétendez qu'en dehors de ce firmament et de ce globe terrestre que nous voyons, il y a quelque chose. Pour moi, en dehors du visible il n'y a rien ; sinon, montrez-moi où se trouve."


Le Maître répondit : "Cette question est stupide depuis le début ; car tu dis : "Qu'on me montre où cela se trouve. " Or, pour cette chose, il n'y a pas de lieu. Viens, dis-moi d'où provient ton objection et dans quel lieu elle se trouve. Elle n'est pas dans la langue, ni dans la bouche, ni dans la poitrine : fouille partout, réduis ces organes en parcelles ou en atomes, et tu verras que cette objection et cette pensée, tu ne les saisis nullement dans ces organes. Donc, nous savons que ta pensée n'est pas dans un lieu. Lorsque tu ne connais pas le lieu de ta propre pensée, comment connaîtrais-tu le lieu du Créateur de la pensée ?


Des milliers de pensées et d'états d'esprit passent en toi sans que tu interviennes ; ils ne sont ni dans ta possibilité ni dans en toi, et tu n'es conscient ni de leur origine, ni de leur destinée, ni de leur projet. Alors que tu n'es pas capable de connaître tes propres états, de quelle façon peux-tu t'attendre à connaître le Créateur Lui-même ?


Cet homme ignoble dit que dans le ciel Dieu n'est pas. O chien ! Comment sais-tu qu'il n'y est pas ? En vérité, as-tu traversé les étendues du ciel, empan par empan, et tout parcouru, pour rapporter que là Il n'est pas ? Tu as dans ta propre maison une prostituée et tu ne las connais pas comme telle. Comment veux-tu connaître le ciel ?"

Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi, trad. Vitray-Meyerovitch.

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