mercredi, mars 22, 2006

Al-Maqamat




Célébrissime roman "picaresque", traduit en français par René Khawam et intitulé Le Livre des malins. Lecture drôle et délicieuse des pérégrinations d'un rusé génie de la langue, et une vision qui au passage contredit la fatigante et sempiternelle assertion selon laquelle l'islam extrémiste d'aujourd'hui serait un retour au"Moyen-Âge", opposé à un islam "moderne" et tolérant, c'est-à-dire "des Lumières". Lisez un peu cette littérture médiévale où l'on s'abreuve gaiement au jus de la treille et où l'on lutine les gazelles des deux sexes avant d'imaginer le Moyen-Âge musulman comme un vaste Taliban-Stan...

Par ailleurs quelle idée d'avoir illustré les
Maqamat, oeuvre de l'Irak arabe du XI°siècle par le portrait du Prophète et de la Buraq, qui me semble bien être tiré du Miradjname, (manuscrit ouyghur), du XV° siècle ? Le Prophète en menteur débauché, si ça ne vaut pas une fatwa, ça ! :))

D'autant plus que ces
Maqamat, qui connurent un grand succès dans tout le monde musulman ont été magnifiquement illustrées à plusieurs reprises. Entre le manuscrit de Saint-Pétersbourg hélas mutilé par un imbécile (de Diyarbakir il me semble, qui mit la foule en émoi, ce qui fait qu'il fut traîné devant le cadi qui le condamna pour avoir abîmé un chef d'oeuvre et toc ! l'histoire est contée par Ettinghausen dans sa Peinture arabe, je vérifierai si c'est bien de ce manuscrit qu'il s'agit)


Comme on le voit, considérant qu'il est prohibé de représenter des êtres vivants, la solution "jésuitique" fut de trancher le cou des personnages. Cela épargna au manuscrit la destruction mais puisse son vandale rôtir en enfer, non mais !

Autre manuscrit somptueux, celui peint par Wasiti, conservé à la Bibliothèque nationale :


BNF, ms .arabe 5847 (13° siècle)

Mais une autre version existe aussi à la BNF, peinte en Syrie-Djézireh, datant aussi du 13° siècle. Des séances se passant dans quelques villes que les Kurdes connaissent bien : Sindjar, Nusaybin, Mayyafarqîn (auj. Silvan), Malatya.


La 18° Séance se passe donc à Sindjar où l'un des marchands de la ville organise un banquet.




Où Abû Zayd, après avoir conté une histoire tordue en tout sens, finit par se faire offrir le repas, la vaisselle d'argent dans laquelle les mets lui ont été servis, et l'esclave qui les lui a apportés,parce que là où y a de la gêne y a pas de plaisir...

A Nusaybin (19° Séance), Abu Zayd feint une grande maladie et tous se pressent à son chevet avec force offrandes consolatrices et revigorantes...



A Mayyafarqîn, il prétend devoir enterrer un mort cher à son coeur sans avoir de quoi payer son linceul et à Malatya, il fait merveille en résolvant énigmes sur énigmes à un banquet de lettrés.

Maqâma 36: Abû Zayd et ses auditeurs
Cote : Arabe 6094 , Fol. 126
Al-Harîrî, Maqâmât, Syrie, Jazîra, XIIIe siècle



Mais d'où venait Abu Zayd le vagabond, le virtuose du verbe arabe et des ruses de l'Islam, le Renard de Mésopotamie ?

Eh bien, il n'en fait pas mystère : Sa ville natale est Sarûdj, dont il déplore à maintes reprises d'être exilé puisqu'à l'époque elle était aux mains des Francs du comté d'Edesse autrement dit Urfa... Aujourd'hui la ville s'appelle Süruc et fait toujours partie du district d'Urfa...

Bref, le célébrissime Abu Zayd était un Ruhawî :)

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