lundi, février 28, 2005

La Turquie malade de son lumpen-nationalisme

Nombre d'intellectuels ou de journalistes turcs ont une forte et lucide analyse des problèmes de leur pays (et dont par ailleurs il sont aussi victimes, car il ne fait pas bon trop gratouiller où ça fait mal en Turquie. Les attaques dont a fait l'objet le romancier Orhan Pamuk, pour avoir parlé de 30.000 morts kurdes et d'un million d'Arméniens victimes de ce même nationalisme en sont un exemple ) :

" Pour défendre la Turcité, définition officielle de la citoyenneté en Turquie, les autres ethnies ou les autres identités culturelles sont devenues ainsi "l'Autre". Cette insistance pour incorporer la kurdité à la turcité, au lieu de les unifier dans le cadre global de la citoyenneté, a créé ainsi deux nationalismes en conflit l'un et l'autre. Plutôt que de créer une synergie citoyenne, les nationalismes turc et kurde ont été deux lames que l'on a aiguisées l'une contre l'autre. Ces dernières années, le nationalisme turc s'est même plus étroitement focalisé comme une antithèse du nationalisme kurde, et ce comme une défense de l'unité du pays et de la "nation" définie comme étant turque. Un tel nationalisme est sans aucun doute xénophobe et autoritariste. Comment, donc, pourrait-il être le moteur politique qui ferait de la Turquie un acteur mondial ou même régional ?

Le rébellion kurde a rendu le nationalisme turc plus ethnocentrique encore. De plus, le nationalisme turc se mêle maintenant d'anti-américanisme, car l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis et leur volontés de changer les régimes en Iran et en Syrie ont fait naître autant de scénarios alarmistes pour la Turquie.

Il y a assez de théories de la conspiration parmi les gardiens de l'Etat et les nationalistes pour susciter peur et suspicion envers les "impérialistes". Quand l'une de mes étudiantes en doctorat a mentionné "l'impérialisme de l'UE" comme si c'était un fait établi, lors d'un exposé qu'elle a donné en classe, j'ai été terrifié. Mais elle fut bien plus troublée quand je lui ai demandé les preuves concrètes de ce prétendu impérialisme. C'était pour elle une chose si évidente, qu'elle n'avait pas à s'appuyer sur des preuves. Qu'avons-nous fait ? Qu'avons-nous fait pour avoir élever ainsi une génération aussi paranoïaque ? La politique étrangère n'est-elle réllement qu'une conspiration à schémas impérialistes ? Ou nous sommes-nous refusés toute connaissance et outils de compréhension qui nous permettrait de nous voir en tant que membres d'un monde contemporain élargi, un monde qui nous fait si peur ? Je suis sincèrement troublé."

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Concert de soutien à l'Institut kurde