vendredi, juin 25, 2004

Journal d'une exposition

L'une de mes plus grandes fiertés (bête, oui, comme toutes les grandes fiertés) est que lorsque je parle kurde, les Kurdes me disent toujours que j'ai un accent du Botan, ou du bahdinan, ou sorani, ou mardini, enfin rien de français quoi, mais toujours du sud. Et à vrai dire, j'ai toujours eu cet accent boti, même du temps où j'étudiais à l'INALCO alors que je n'y avais jamais encore mis les pieds, comme une sorte de prédestination vers ma ville préférée.

Le public de cette exposition est très amical, très sensible à cette histoire kurde. Mais hier, vers 6 heures, j'ai dû faire face à une protesta désopilante. Une femme est entrée dans la salle, allant droit au Livre d'or sans même regarder une seule photo. Un message politique ? Puis elle s'est dirigée vers moi et a dit :

- J'ai écrit quelque chose, mais ça n'a rien à voir avec l'exposition.

- Ah ? (un message politique ? encore une accusation de pro-américaniste, de pro-sioniste, anti-Turc ou quelque chose dans ce genre ?)

- Oui. J'habite à côté de l'Hôtel de Ville et la rue est très sale, ça fait trois jours qu'elle n'a pas été nettoyée. C'est scandaleux !

- Ah ? Mais vous savez, nous ne travaillons pas pour la Mairie, nous sommes l'Institut Kurde.

- ça m'est égal. J'ai mis une réclamation dans le Livre d'or.

- Ah ? Mais vous savez, le Livre d'or appartient à une photographe américaine qui vit à NY, alors elle n'est pas vraiment concernée...

- ça m'est égal. Et je suis aussi contre cette exposition. Cette salle est une salle de prestige. Les Kurdes n'ont rien à y faire.

- Ah oui ?

- Ils demandent leur autonomie c'est ça ? Mais qu'est-ce qu'ils en feraient ? Ils seraient capables de se diriger eux-mêmes peut-être ?

- Eh bien en fait ils le sont déjà.

- Quoi?

- Ils sont déjà autonomes. Depuis douze ans.

- Deux ans ?

- Non, douze. Et ça va bien.

- Ah ? ... eh ben... quand même !... au revoir !...

Et elle est repartie.

Conclusion : Vous, les Kurdes, le jour où vous demanderez l'indépendance, faites gaffe qu'il n'y ait pas grève des éboueurs à Paris.


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Concert de soutien à l'Institut kurde