mardi, août 21, 2001

Istanbul

Les poèmes de Nâzim Hikmet me plaisent beaucoup, au premier coup d'oeil.

Hier passé la journée dans un restaurant rustique, allongés sur des coussins, à discuter.

Pour cette dernière journée, un peu de soleil enfin. Ne pas trop avoir hâte de rentrer. En profiter.

De fait, c'est comme une rentrée des classes. Un peu de la nostalgie des vacances, et du plaisir neuf de la rentrée.

Promenade dans un des vieux quartiers d'Istanbul. Beaucoup de maisons en bois, certaines en briques. Des arbustes en fleurs, mauves, blanches. Des gosses à la peau sombre, aux grands yeux noirs, avec des allures de gitans. D'autres très blonds, aux yeux bleus. Des chiens, souvent, ou des chats, tous dormant en boule ou aplatis en carpette sur les trottoirs et les rues. Chaque ville a ses animaux. A Trabzun, c'était de gros poissons colorés, dans des aquariums. A Alep, des perruches et des canaris dans des cages dorées. Ici, ce sont les chiens et les chats. Même ceux des rues ne sont pas faméliques ni craintifs, ni malheureux. Les gens s'en occupent. Aucun contrôle des naissances, mais curieusement, pas de colonies de chats maladifs et maigres en surnombre, comme à Athènes, par exemple. Pas non plus de déjections canines sur les trottoirs, comme à Paris.

19 h. Dernier repas de poissons sur le port. Enfin, j'espère, car cela fait un bon moment qu'on attend la commande. De retour à Paris, il va falloir se réhabituer à être pressés.

lundi, août 20, 2001

Istanbul

Voilà le vrai temps d'Istanbul : grise et noyée sous le déluge, ciel noir. Depuis hier, beaucoup d'orages. La pluie me fait ronchonner à Paris mais ne me gêne pas ici. Il y a tellement de passages couverts où flâner, de boutiques où se rencontrent toutes les nations de l'Empire...

dimanche, août 19, 2001

Istanbul

Temps pluvieux, orageux, doux. Un temps qui rappelle la semaine qui précédait la rentrée des classes : l'odeur du plastique et des crayons neufs, le lisse blanc des cahiers intacts, les bonnes résolutions aussi, qui ne tenaient guère la semaine...

samedi, août 18, 2001

Istanbul

Volupté aussi de rester une matinée à l'hôtel et de ne rien foutre sauf bouquiner étendues sur les lits, alors que dans la ville, tous les tour-operator s'agitent et promènent les touristes de lieux en lieux - rentabiliser le séjour, le forfait. C'est la différence entre le touriste et le voyageur. Ce dernier passe beaucoup de son temps à le perdre.

A Trabzun, j'avais acheté un livre sur la région du Kurdistan, mais revue par l'historiographie turque. C'est fou le mal qu'ils se donnent pour gommer l'existence des Kurdes, des Syriaques, des Arméniens, etc., bref tout ce qui dans le coin n'est pas du turc pur jus.

Trouvé dans ma librairie un Orhan Pamuk et un Nazim Hikmet.

vendredi, août 17, 2001

Istanbul

J'aurais réussi à gagner la ville sans panne de lecture, finalement. Pas encore (mais presque) terminé La montagne de l'âme. Trouvé dans une librairie avenue de l'Indépendance Péplum d'Amélie Nothomb et L'Ile du jour d'avant d'Umberto Eco.

"Il dit qu'il ne comprend toujours pas comment aller à la Montagne de l'Âme."

jeudi, août 16, 2001

Mer Noire

Ferry Ankara, de la Turkish Maritime Airlines. 10h20.

Toujours cette sensation de paix et de sécurité merveilleuse que me procure un bateau. Finalement le tangage ne me dérange pas, il me berce plutôt. A 9 heures, j'avais déjà sommeil et je viens de me lever à 10 heures. Je me suis réveillée plusieurs fois, notamment quand le bateau a déposé des passagers à la première escale. Mais rendormie très facilement, malgré les vibrations des machines qui secouent jusqu'à l'oreiller. Emerveillement de voir la mer filer derrière le hublot. Emerveillement d'un paysage qui bouge tout seul.

Il fait beau maintenant, quoique le ciel reste encore blanc de nuages mais le soleil perce tout de même. Le farniente, cette douceur de vie, ce temps qui coule, c'est à bord qu'on le sent le plus. Nous faisons tous les bars et les cafétérias du bateau. Le pont et les chaises longues, ce sera pour ce soir. Dans la journée, c'est une plaque chauffante.

Finalement, gagner le Kurdistan en se rapprochant le plus possible par bateau n'est finalement pas une mauvaise idée. Nous le referons.

Ces horribles tchadors noirs. Avec des bas noirs, des gants noirs, seul un étroit triangle de visage reste visible. Cela a certainement quelque chose de sinistre, on dirait un troupeau de veuves, mais je le préfère encore à la tenue traditionnelle (si l'on veut !) qui est en fait un compromis avec l'islam et la modernité, c'est-à-dire les vêtements d'Occident : foulard bien mémère noué sous le menton, manteau long à épaulettes qui tombe jusqu'aux talons ou bien jupe longue et chemise synthétique à fleurs, ou pullovers par 36°. Là, elles font mendigotes, paquets de chiffons. Avec elles, des gamines encore impubères. Fines, gracieuses, de jolis yeux, expressifs, les cheveux bouclés. Avec elles, leurs soeurs aînées, ce qu'elles seront plus tard, à 14, 16 ans, nouées empaquetées, les épaules rentrées et tombantes, le regard mort. Quand je pense aux pétasses (le plus souvent fraîchement converties) qui parlent de la beauté intérieure des femmes que l'islam préserverait ! Et que cela leur évite d'être des objets sexuels ! Pas de danger, effectivement. Leurs mecs préfèrent draguer et reluquer les femmes sans voile. Ce ne sont pas des objets sexuels, certes, seulement des objets de reproduction. Des sacs à viande, des machines à faire des gosses. Je n'arrive pas non plus à les plaindre. Les mêmes étriperaient leurs filles s'il leur prenait fantaisie de se dévoiler. On ne dira jamais assez que c'est la femme qui est le pilier d'une société patriarcale. La mère mariée à son fils au fond, et traitant sa belle-fille comme une Première Epouse le fait d'une concubine. Finalement la polygamie a ceci d'avantage que les belles-mères s'étripant entre elles doivent laisser un peu de paix à leurs brus.

Dans ces familles le garçon est souvent gras, surnourri, geignard, prolongement adipeux d'une mère éléphantesque.

mercredi, août 15, 2001

Trabzun

Trabzun est une drôle de ville, aussi noire, sombre et humide que La Montagne de l'Âme. Terriblement moite. Ici, tout est bilingue, et il y a même des enseignes qui ne sont marquées qu'en russe. C'est une ville qui rend amorphe, liquéfié, non, engourdi. Il ne fait pas si chaud que cela, pourtant, dix degrés de moins qu'à Dersim mais le climat saturé rend cotonneux, ensommeillé.

Nous prenons le bateau ce soir, pour Istanbul. Trois jours de cabotage. Comme ça, je saurai si j'ai le mal de mer ou non. On a réussi à trouver une cabine de première classe encore libre, parce qu'en seconde, on risque fort de se trouver entourées de familles, c'est-à-dire quatre pétasses et vingt-cinq chiards par famille. Si on pouvait être isolées totalement au restaurant ou sur le pont, ce serait l'idéal.

lundi, août 13, 2001

Dersim

8h04. Nous partons vers midi et demi pour Trabzun. J'espère que je ne reverrai pas de sitôt Dersim

Hier, Bülent a passé la soirée à me sortir tous les mots en kurde qu'il connaissait. Il m'a expliqué que les premiers mots qu'il avait appris était : "Il y a du pain ? Il y a de l'eau ?" Il a fait son service dans les montagnes d'Agri et les troupes crevaient de faim. Les soldats en étaient réduits à mendier le pain et l'eau dans les villages qu'ils étaient censés mater. De plus, comme ils devaient brûler les villages et les champs, disperser le bétail, il y avait de moins en moins à manger dans le pays. La solde actuelle d'un soldat turc ne lui permet même pas de s'acheter 2 paquets de Marlboro pour le mois.

Cette idée de guide de voyage du Kurdistan, pour laquelle Roxane ne cesse de me tanner : faire cela comme une piste chantée, un long itinéraire ponctué de haltes-pierres-villes et de légendes, comme les guides de voyage des géographes musulmans de l'époque classique. Les légendes viendront de toutes les époques, et s'entrecroiseront comme les fils. Comme sources, facile : l'encyclopédie islamique et les géographes pour l'islam ; les dictionnaires et les historiens de l'Antiquité ; pour les Chrétiens et autres sectes, il va falloir fouiller un peu.

Derniers achats avant le départ. Pour ma collection d'objets ultra-kitsch : un squelette porte-clefs. Et puis heureuse trouvaille. En flânant dans les galeries commerciales, je suis tombée en arrêt devant un tableau peint sur verre, représentant un monstre recouvert d'écailles, avec couronne et tête de femme, plusieurs pattes et une queue, toutes en têtes de dragon. Je demande à Suleyman ce que c'est : il me répond que c'est la Mère des serpents. Qu'il y a des milliers d'années, un roi tomba malade et que pour guérir, un sage lui dit de boire le sang de la Mère des serpents. Il la tua, but son sang et recouvra la santé. Cette queue en tête de dragon, je la retrouve sur tous les monuments du Kurdistan. Et cette histoire de sang, de serpents, de roi malade, de monstres à tuer, c'est pêle-mêle toute la mythologie iranienne, du Livre des Rois à l'Avesta, mais transformée en monstre femelle, ici, à Dersim. Il y a plusieurs pistes à remonter. En tous cas, j'ai eu le coup de foudre pour ce tableau d'art naïf et je l'ai acheté sans hésitation pour l'équivalent de 25 francs. Un peu encombrant et fragile à ramener, mais j'aurai plaisir à l'envisager à ma table de travail.

Il faut que mon prochain article sur l'histoire de l'art démêle cette histoire de dragon sur les pierres du Kurdistan. Ce tableau me portera chance, je ne sais trop comment. C'est comme un talisman.

dimanche, août 12, 2001

Dersim

Demain nous partons pour Trabzon, sur les bords de la mer Noire, que nous n'avons jamais vue. Rien à voir avec le Kurdistan, mais pour revenir sur Istanbul cela change du parcours habituel et mortel de la steppe.

samedi, août 11, 2001

Dersim

Toujours cet ennui de caserne, ce temps à traîner. J'ai entamé mon dernier livre, La montagne de l'âme, une suite de saynètes tristes et rêveuses, bien accordées à mon état d'esprit, hormis le temps gris et humide du livre. Ici, c'est chaud, poudreux, lourd. Et c'est une ville sans légende, sans démon, sans charme.

L'herbe sèche et courte sur les montagnes. Comme le pelage dru et soyeux d'une bête à robe jaune, nuque de lion, douceur claire d'un flanc de tigre. Plus la râpe grise des rochers et les bouquets d'arbres verts. L'odeur des baignades est indissociable de celle des kebabs. Tout le monde vient faire griller n'importe quoi au bord de l'eau : viande de mouton, poulet, oignons, piments, tomates, poivrons... et les pastèques mises à rafraîchir dans l'eau. Ici les mouches sont féroces, très piquantes, revenant sans cesse : de vraies Erynies. Un cavalier en short et espadrilles passe près de moi, montant un petit cheval bai aux jambes fines. Ici, l'eau de la rivière est turquoise, entre les canyons rouges. Dommage de rester sur la rive. Il ferait bon monter sur les sommets, entre la pierre, l'herbe sèche et les arbres et rester là-haut jusqu'au soir, jusqu'à la nuit, sous les constellations et la Voie Lactée, "chemin de paille" disent les Persans.

Difficile d'être seule ici. Une mère de famille m'aborde avec son sourire le plus engageant et voyant que je suis gharibi, étrangère, veut que sa fille vienne me parler anglais. Sa fille est étudiante en médecine à Elazig. Après quelques mots échangés, la conversation tourne court, je réussis à m'en débarrasser. Je vais donc au bord de l'eau pour écrire un peu. Roxane et Suleyman me rejoignent, eux vont se rasseoir sur les tables à pique-nique. Je reste au bord de l'eau. A peine sont-ils partis que la même mère de famille, dont le campement est sur la même rive mais à cinquante mètres, fait tout le trajet pour m'apporter une tasse de thé brûlant. Même sourire engageant. Ce que les Kurdes comme les Turcs peuvent être gentils et emmerdants. Elle m'a montrée où ils étaient pour que je rapporte la tasse. Rien à faire. Une fois que j'aurais avalé ce thé brûlant, je serai bien obligée de leur faire un brin de causette.

Ce que j'ai fait, donc. Naturellement, à peine arrivée près d'eux et leur tendant ma tasse vide (pour leur rendre) en les remerciant, ils me l'ont remplie illico de thé toujours aussi brûlant, de sorte que je ne pouvais que m'asseoir sur un de leurs sièges, à moins d'être ébouillantée. Rusés, les Kurdes. Après, pêche, raisins, börek. Pris un quartier de pêche, croqué quelques grains de raisin. Ils me demandent quand je rentre en France. Le 22 ? ça tombe bien, le 20 ils ont une tante qui se marie, est-ce que je veux venir ? Non, le 14 je suis à Istanbul.

mardi, août 07, 2001

Ovacik

Hier, au restaurant de l'hôtel, nous avons demandé pourquoi on passait toujours la même cassette de musique, en boucle, depuis une semaine. Ils n'en avaient pas d'autres ? Les serveurs nous ont répondu que la chaîne était cassée, qu'ils ne pouvaient plus l'ouvrir. Les voilà donc condamnés à entendre la même suite de chansons jusqu'à usure complète de la bande magnétique. Après, je suppose qu'ils n'auront plus qu'à jeter le magnétophone.

Ces histoires de piste chantée (Songlines, de Chatwin). Ma quête du dragon en pays kurde: : un morceau de queue à Hasankeyf, les têtes emmêlées de Sivas, et les lions affrontés, les liens entre les dragons et les lions ? J'ai parfois idée que ce sont les mêmes ou alors deux aspects d'un même monstre.

Les Kurdes ont commencé de perdre le monde quand ils ont renoncé au nomadisme. Le Kurdistan n'était qu'une suite de pâtures et de quartiers d'hiver (leurs villes). Les paysans qui travaillaient pour eux n'étaient pas, pour eux, des Kurdes. Quand ils sont tous devenus paysans, sédentaires, ils se sont abaissés ; immobiles, ils sont devenus une proie toute faite pour les gouvernements, le totalitarisme, l'assimilation. Dans ce siècle toutes les grandes seigneuries de la terre ont été abolies. Une nuit du 4 août généralisée. Maintenant ils sont tous parqués dans des réserves ou vivotent pitoyablement dans les villes.

Sur cet ennui nouveau que j'éprouve ici. Pas exactement ennui d'ailleurs, mais indifférence, sensation de vide, de rien qui puisse accrocher, comme une terre épuisée, un lieu qui a donné toutes ses ressources et ne peut plus rien pour moi. Le temps est venu d'aller voir ailleurs.


"J'essayai alors une autre tactique et décrivis comment les gitans communiquaient entre eux à des distances considérables en se chantant des poèmes secrets par téléphone.

"Vraiment ?"

Avant d'être initié, continuai-je, le jeune gitan devait mémoriser les chants de son clan, les noms de sa parentèle, ainsi que des centaines et des centaines de numéros de téléphone de par le monde.

"Les gitans, dis-je, sont probablement les plus gros utilisateurs de téléphone du globe."

Bruce Chatwin, Le chant des pistes.



Si les Kurdes foirent autant en politique et toujours à l'avant-dernier pas, lorsqu'ils sont sur le point de gagner, c'est peut-être parce que ce sont d'anciens nomades. Pas faits pour l'organisation territoriale sédentaire.

samedi, août 04, 2001

Ovacik

Hier, au bord de l'eau. Baignade, soleil. Lu une bonne partie du temps. Je ne fiche rien, c'est sûr. A lire Léautaud, je me dis que c'est ça qu'il faudrait : une retraite à la campagne, des animaux, des heures de flânerie. Pourquoi vivre à Paris ?

Reparlé de la torture, hier soir, avec Suleyman. Le patron de l'hôtel, qui est aussi le président de l'association, a été arrêté il y a quelques années avec sa soeur. Ils l'ont violée sous ses yeux. Après cela, il n'a plus parlé pendant près d'un an. Aujourd'hui, cela ne se voit pas. Il est doux, gentil, adoré de Dersim, à ce que dit Suleyman. J'ai dit à Suleyman que je le trouvais très bien aussi.

vendredi, août 03, 2001

Ovacik

Suleyman a reçu un coup de téléphone de son père, hier. Un de ses amis a été arrêté. Il a peur qu'il donne son nom. Il lui avait gardé une dizaine de livres interdits, chez lui, dans plusieurs langues. Suleyman espère que son père aura le temps de les brûler. Je lui ai demandé s'il pense que son ami parlera. Il a dit qu'il est impossible de tenir sous la torture. Que lui, sorti de sa garde-à-vue, était resté des jours "comme un bébé", sans pouvoir bouger ni parler. Son frère le portait aux toilettes. Il m'a parlée de pendaison palestinienne. Sur sa main gauche, il porte des marques de brûlures par cigarettes. 6, 8, peut-être 10 traces.

Dans tout cela, l'étonnant n'est pas de se taire sous la torture (autant dire quelque chose, un peu, pour qu'ils vous lâchent) mais de recommencer à travailler après. Je lui ai demandé de dire à son père ou à des amis de nous prévenir s'il lui arrivait quelque chose.

jeudi, août 02, 2001

Ovacik

Midi. L'air tremble au-dessus des herbes jaunes. Devant les montagnes pâles et roses. Le ciel est d'un bleu pâle, un peu gris, affadi par la buée. Nous devons rester à Ovacik, dans la ville même, dans le périmètre sous contrôle policier. Passé une certaine limite (frontière invisible), la zone est sous contrôle militaire : c'est le début de la montagne, des villages et de la guerre. Nous ne pouvons y pénétrer. Nous restons donc prisonniers de cette ville et nouons des relations avec les officiels, charmants, souriants, attentionnés et sincèrement désolés de ne pouvoir nous aider.

dimanche, juillet 29, 2001

Dersim

Je viens de sauver une pétasse de l'hydrocution cet aprem, à la baignade de Dersim. Lui ai fait du bouche-à-bouche, malgré l'opposition têtue d'un type du coin, affolé en voyant ses poumons se soulever, qui me disait d'arrêter pour laisser "reposer ses poumons". Pas assez de vocabulaire turc pour lui demander si son cerveau à lui se reposait de temps à autre. Quand je pense que c'est la 2° réanimation que je tente en 2 mois (mais avec succès, cette fois)... Enfin, comme dit Roxane, le tout est de passer inaperçues ici. Et toute la ville était à la baignade pour regarder. Déjà qu'on se ressouvenait de nous ici...

samedi, juillet 28, 2001

Elazig

Hier, journée interminable de voyage, de cars en cars. Elazig est plus détendue que l'année dernière. Toujours la chaleur.

vendredi, juillet 27, 2001

Kayseri

Retrouvé l'hôtel Comfortable mais les réceptionnistes avaient changé. Pu dîner au restaurant et boire trois bières, ce qui dans cette ville est un exploit ! En discutant hier, je me suis rendue compte qu'au fond je n'aimais pas trop la Turquie, que je ne m'y sentais pas chez moi, au rebours de Roxane. Trop occidentale, au fond. Ville de caserne, pays de caserne, monotonie bureaucratique et grise. Par contre, j'adore et je me sens chez moi en Syrie. De vrais pays d'islam historique. Je me sens chez moi dans toutes cette région, en-dehors du Kurdistan même. C'est l'Orient véritable, l'islam historique, millénaire.

Grosse chaleur, mais il faut s'habituer. A 10 heures du matin, cela va encore. Le tout est de s'hydrater et de manger (éviter les déperditions en sels minéraux).

De ces voyages en car il ne faut retenir qu'un long ruban gris et poussiéreux tiré à travers le continent. Le car file sur la route scintillante. Halte sur le bitume des gares routières. Au milieu des colis et des femmes aussi empaquetés les uns que les autres ; les travailleurs, les paysans accroupis. Béton gris des mosquées de la route. Ombre paisible. Attente indécise d'un car qui aurait dû être là.

jeudi, juillet 26, 2001

Kayseri

Roissy, Terminal D, 26 juillet, 6 h 30, cafétéria Cap France.

Réveil à 4 h 15. Pas trop de mal. Pris le temps de boire un café, d'écouter les premières mesures du concerto pour piano n°4 de Beethoven joué par Hélène Grimaud. Penser que je vais être salement privée de musique.

Après, le bin's habituel : aéroport, enregistrement, petit déj'. D'Ankara (arrivée prévue vers 15 heures) nous comptons prendre le bus directement pour Kayseri, à l'hôtel Comfortable où les réceptionnistes font des entrechats quand ils nous voient.

lundi, avril 23, 2001

Istanbul

A Umranieh le théâtre était très marrant, style comedia dell' arte. Une série de sketchs sur la vie traditionnelle des Kurdes, les "villageois", les féodaux. Très drôle.

mercredi, avril 18, 2001

Istanbul

Ce soir, c'est la Première de Hüseyin. Il doit être sur les dents. Demain, nous partons à Ümranieh, chez les HADEP d'Ümranieh. La mère d'Arjen et la troupe du MKM y donne une représentation et nous les accompagnons.

Acheté hier un adorable gros singe en peluche, suspendu à un trapèze, qui siffle et dit "I love you" quand on lui passe devant. A l'entrée de mon studio, ça risque d'être drôle.

"Le voyage est dangereux pour les oiseaux et les hommes." J'adore cette phrase. Elle est citée dans mon agenda. Je vais lire le bouquin pour cela ; il y a de ces phrases solitaires qui illuminent le monde, ensoleille une journée, un cheminement, un voyage. Et la vie même. Remplacer le mot "voyage" par "vie", par exemple. Comme "la vie est immense et pleine de dangers", sortie de la bouche d'un enfant cancéreux qui en réchappa, finalement. Elle est traduite en anglais, dans cet agenda. En anglais, cela sonne bien aussi. Travel is dangerous for birds and men. J'aime la lumière énigmatique et rayonnante de cette phrase, et je crois que j'en ferais ma devise.

Que cela aille bien ou que cela aille mal, il faut toujours, toujours voyager.

Hier, acheté un lapin en chocolat de Pâques. Je vais l'offrir à Hüseyin, peut-être, pour le récompenser d'avoir tant travaillé.

Maintenant il fait beau sur Istiklal Caddesi. Nous partirons sous le soleil. Malin. J'écris du meilleur salon de glaces de la ville, en face du lycée de Galatasaray. Les grilles noires et or enchâssent le vert profond des arbres.

En cherchant la librairie internationale, nous sommes tombées par hasard sur la boutique Swatch. Pris un joli bracelet d'un bleu outremer en dégradé, assorti à la veste de sport sans manche que tout le monde (ou presque) porte ici. Par contre, il n'y a plus de livres en français, ici. On voit le recul de la francophonie. Tant pis. En rentrant, je continue mon étude du turc et la prochaine fois, je n'aurais qu'à piocher dans la mine inépuisable de titres turcs. En attendant, je termine ma relecture des Antigones de Steiner et je vais lire l'étude sur Khani, en kurde. Voilà pour la littérature.

ça risque de chauffer ce soir. Les prisonniers continuent de mourir et un fameux critique de cinéma, qui avait fait un article élogieux sur Hüseyin se l'ait vu refuser par son journal. Du coup, la tension monte et la projection risque d'être animée.

mardi, avril 17, 2001

Istanbul

Vu Hüseyin hier. On le revoit jeudi. A l'air plus en forme que la dernière fois, malgré le stress de sa Première.

lundi, avril 16, 2001

Istanbul

Hier, dîné chez Arjen. Toujours aussi mignon, très grandi, un vrai fil de fer ! Une voisine venue en visite nous donnait deux ans de plus que lui, et donc envisageait de nous marier.

Tout fout le camp. Le marché aux poissons a disparu, ainsi que la boutique swatch où nous nous fournissions en bracelets-montres.

Nous voyons Hüseyin ce soir pour visionner son film. Il a dit qu'il en est à 60% de son travail et cela fait vingt jours qu'il n'en dort presque plus.

dimanche, avril 15, 2001

Istanbul

Hier, première journée à Istanbul. Vers midi, appelé Hüseyin. Débordé de boulot, travaillant sur son film, on le verra peut-être lundi. Changé nos billets, envoyé trois cartes postales que j'écris dans un pub, sous la photo de Mussolini. Nous rentrons le 23.

samedi, avril 14, 2001

Ankara-Istanbul

M. Bozlak a peut-être dit quelque chose. Osman, le soir, avait l'air triste, vraiment très bobo. Il a posé de curieuses questions, pourquoi nous travaillons pour les Kurdes, par exemple, question que je déteste par dessus tout, et qui me fait bouillir le sang, et qui me donne envie de taper des poings. Ou bien de dire "c'est vrai, excusez-moi, je vous plaque." Pourquoi le fait de travailler pour un peuple devrait-il être soumis à la restriction de son agrément ? Est-ce qu'on est soi-même sa propre propriété ? La prochaine fois je répondrais que je travaille sur les Kurdes mais pas pour eux, que je ne suis pas à leur service et qu'ils ne me doivent rien. Et là, ça leur broie le coeur. La réponse correcte (celle que j'ai faite) étant : parce qu'on vous aime. Avec vos défauts et vos qualités. Ensuite Osman a émis l'idée que nous étions peut-être anti-HADEP. Je n'ai rien répondu là-dessus, je ne suis ni pour ni contre, je m'en fous. Mais comme Roxane déroulait les arguments et les preuves (le site) comme quoi nous avons toujours été pro-HADEP, il s'est effondré, encore plus malheureux, et a été se coucher.

La journée s'était passée drôlement, en meetings. Le premier ayant eu lieu dans un des bureaux des HADEP, dans leur miwankhane. Quelques questions-réponses sur la situation du Kurdistan se transformant en un tourbillon de questions des plus diverses : les gens du PKK aujourd'hui, le parti du HADEP, faut-il être ou non séparatiste. Le tout en kurde, en turc, en anglais. Il y avait de tout : des jeunes gens du Dersim et du Kurdistan, un ancien prisonnier du PKK qui sortait de vingt ans de geôle, des intellos, une femme turque artiste, etc. Deux heures ou peut-être même trois sur la sellette. Et comme chacune de nos réponses disaient autre chose que la morne bouillie des diktats du PKK, chacune de ces réponses faisaient jaillir des commentaires et des discussions entre eux. Pour finir, l'ancien détenu est venu me demander si je ne croyais pas que le féodalisme, ce n'était pas si mal. Et comment. Il y avait alors des poètes et des conteurs, et des troubadours et des châteaux... Voilà où en est Bozlak. J'insuffle la nostalgie du féodalisme à ses troupes.

Ensuite passage à une maison des jeunes et de la culture. Beaucoup issus du Kurdistan, de familles en exil, beaucoup ne parlant plus très bien le kurde. Mutlu enrage et s'interdit de parler turc à qui est capable de répondre dans sa langue.

Hier, voyage de sept heures en car, entre Ankara et Istanbul. La ville sous la pluie.

En tous cas, ça fait du bien de se retrouver à Istanbul, ville civilisée par excellence. Mais l'argent va filer vite.

mercredi, avril 11, 2001

Ankara

Nous sommes chez Osman depuis hier. C'est-à-dire que nous créchons dans la maison du HADEP, un grand appart' qu'ils partagent à trois.

13h30. Siège du HADEP.

Cela fait plusieurs heures que nous attendons au siège. Osman, très préoccupé par les deux oiseaux dont il a hérité imprudemment, nous a emmené ici et a disparu en réunion, je suppose. Du coup, nous passons le temps dans la salle d'attente à bavarder avec tous les Kurdes de passage : des maires, des responsables de communication, etc. Un vieux professeur de Van, très charmant, parlant et écrivant l'arabe, nous invite à Van.

16h30. Vu Bozlak. Très raide au début, un peu réprobateur. Se détend un peu sur la fin. J'ai répondu à sa raideur par un air absolument impassible et indéchiffrable, mais ferme aussi. Leur ai fait sentir que si nous demandions aux Turcs de s'adapter aux critères démocratiques, il devait en être de même pour eux.

dimanche, avril 08, 2001

Kayseri

Nous quittons cette ville de cons, pleine d'intégristes musulmans pour Hadji Bektas. ça va nous faire respirer. On a eu d'ailleurs beaucoup de mal à prendre un billet car tous ces connards qui haïssent les Alévis ont voulu nous faire croire qu'il n'y avait pas de bus aujourd'hui. Le seul bureau qui y menait n'a pas osé s'approcher de nous : par peur. Ce n'est que lorsque je me suis approchée de leur bureau en demandant un billet pour une autre ville que le boss m'a dit que non, nous allions à Hadji Bektas et qu'il fallait pour cela changer à une autre correspondance. Plus un autre qui demande si nous sommes Françaises et qui nous dit "Danielle Mitterrand". Plus une musique kurde. ça va, on est dans la bonne compagnie.


Hadji Bektas. 19h30. Enfin un endroit civilisé ! C'est-à-dire un hôtel avec bar, restaurant à vins, musique et danse.

samedi, avril 07, 2001

Kayseri

Halte de luxe dans un 2 étoiles, avec douche chaude, mini-bar, TV, etc. Agréable mais difficile d'avoir laissé nos deux totos dans leurs montagnes.

Donc, le 4 avril, excursion au barrage, un barrage en construction où nous n'aurions jamais dû aller. Mais nous avons été demander la permission au kaymakam, qui nous l'a accordé après une de ces visites de courtoisie où chacun se sonde et s'évalue, et où notre rôle est de jouer les french tourists "very sympathic". Après tout, notre guide, Ali, nous a dit qu'il était "iyi", kurde, quoique d'Antalya.

Par contre, tous les autres étaient aux anges ou sciés de nous voir. Donc, visite au barrage. C'est-à-dire bref coup d'oeil aux constructions et excursion dans la montagne, avec l'ours, le lézard, les villages brûlés, les militaires, des appelés, ébahis mais contents de nous trouver là, qui ont voulu regarder tout le matos uniquement pour prolonger. Moi, je calmais Suleyman qui était désolé et fou de rage, d'autant plus que le plus gradé n'arrêtait pas de me faire des compliments et lui demandait de me traduite. Et Suleyman n'arrêtait pas de répéter "Schwein, Schwein..." Mais on est reparti avec tout intact.

Le soir, bu bière et vin dans un restaurant d'Ovacik. Suleyman était pas mal égayé par son raki et Ali était mort de rire quand je disais qu'il faisait un sema. ça et la plaisanterie bien connue "d'aller à la mosquée" pour les chiottes. On s'est quitté en se serrant la main comme les partisans, spas.

Le lendemain, retour sur Dersim. Le chauffeur toujours partant pour nous servir de chauffeur et nous emmenant dans une belle route, en passant par le village de Suleyman, plein de maisons en ruine. Bombardé, trois morts. Il pleuvait à verse et des milliers de torrents ruisselaient d'une eau rouge sur les montagnes. Les eaux du Munzur étaient gonflées, boueuses.

Nous avons vu les deux endroits où des centaines de milliers de Dersimis ont été massacré en 38. Finalement, le contrôle le plus sérieux aura été en retournant à Dersim. Les keufs nous ont interrogées, ouvert nos bagages, regardé mon agenda. Sur mon carnet de notes, les dessins de ma mère m'ont sauvée la vie. Ils ont feuilleté le début, ont cru que c'était uniquement un carnet de croquis, et ne sont pas allés plus loin.

A Dersim, l'assoc nous fait un accueil plus déférent et plus amical. Ils se méfiaient moins, peut-être. Déjà à Ovacik, ils avaient téléphoné à l'hôtel et le dernier soir, au restau, un frère avait appelé Suleyman pour demander si tout s'était bien passé au barrage et si nous n'avions pas eu de problèmes avec les keufs. Revenus à l'hôtel, Ali propose de nous emmener à un sema. Tu parles si on voulait ! Surtout que c'était juste le lendemain de l'achoura. Cérémonie belle, émouvante et fascinante. Les sema sont interdits là-bas. Et en faire un ici, à Dersim, et ce jour-là !

Après, bon plan touriste, bu dans une discothèque. De retour à l'hôtel, vers minuit, alors que le couvre-feu était déjà passé. On leur fait une niche en nous cachant dans le couloir sombre, et en les laissant nous chercher dans une ville morte en proie au couvre-feu. Ils sont passés à trois mètres de nous sans nous voir. Puis le camion d'Ali est passé à toute allure, dans un crissement féroce de pneus. Nous, on est rentrées à l'hôtel, en nous marrant. Nous n'avions d'ailleurs pas fait 100 mètres que les garçons de la discothèque, nous ayant vu, se sont inquiétés de Suleyman et l'un d'entre eux nous a raccompagné. Nos deux brillants gardes du corps sont arrivés ensuite, fous et près de nous étrangler, puis déconfits quand on leur a fait remarquer que question vigilance, ils n'étaient pas forts.

Ensuite, Suleyman est parti pour être interrogé par la police et Ali est resté avec nous à l'hôtel. Dernière bière.

Le lendemain, dernier jour. Tristounet, nos deux totos, mais Ali nous a fait vraiment mal au coeur. Parce qu'il a fait ce qu'il a pu pour le cacher et y parvenait assez bien... surtout qu'il est parti très vite. C'est-à-dire qu'après notre dernier petit-déj' pris ensemble, Ali est resté en ville alors qu'il ordonnait à Suleyman de revenir avec nous. On l'a attendu au moins une heure, pendant que le patron de l'hôtel, qui est donc celui de l'association, nous vendait la vie culturelle de Dersim pour qu'on revienne. Il nous parle alors du festival de Dersim lnas, les 28, 29 et 30 juillet. Pourquoi pas, et puis on enchaîne ensuite sur le pèlerinage de Hadji Bektas les 16 et 18 août.

Quand Ali revient, on lui explique ça, il est d'accord bien sûr, mais ce n'était toujours pas "viva la vie". En sortant de l'hôtel, il nous dit qu'il rentre à Ovacik. Et alors il me tend un paquet cadeau, puis un à Roxane. Quel geste ! Avec ce regard de grand seigneur, même pas doux. Pour lui faire mes adieux, je lui fais la bise, mais pas en lui sautant au cou, avec gravité ( ses manières solennelles déteignent). Adieu rapide et précipité, sans chaleur, finalement, sans épanchement. Ils ne supportent pas.

Au restaurant, ensuite, Suleyman était sombre, et a même explosé : "Ihr haben gekommt ! Und heute ihr gehen ?" Presque avec colère, comme devant une injustice. .

En fin d'après-midi, à la gare routière (amenées par un flic en civil) nous avons revu Ali ! Son bus partant à quatre heures, comme le nôtre en final. Toujours cet air distant, impassible. De nouveau il a abrégé les adieux, et son bus part pour Ovacik à quatre heures moins dix. Tant pis pour ceux qui n'étaient pas là en avance. ça fait de la peine, c'est sûr.

vendredi, avril 06, 2001

Ovacik

Nous partons aujourd'hui. Tout s'est bien passé, malgré la pluie continuelle. Le pire est qu'aujourd'hui, il fait beau ! Après la vallée de Munzur baba excursion au barrage. Nous avons débusqué un ours, un lézard gros et vert, comme un petit varan, qui semblait venimeux.

mercredi, avril 04, 2001

Ovacik

Longue excursion hier, dans la vallée de Munzur Baba. Des montagnes noires, des arbres sacrés, des sources, des rochers à voeux et des paysans qui vénèrent tout cela. Ici, ce sont vraiment des sauvages, dans le sens païen, animiste. Ce qui ne les empêche nullement d'être raffinés, bilingues ou trilingues, militants, intellectuels. Mais ils embrassent les arbres et les rochers. Il n'y a pas de monument, pas d'écriture, c'est-à-dire les deux productions du Logos gréco-sémite ou même sumérien. Ecriture, architecture, c'est le monde de la Mésopotamie, du Verbe abstrait. Ici, la religion n'est pas une construction géante, arche mentale et démesurée jetée comme un pont entre le monde et son créateur.

Leur religion est intérieure et proche d'eux. Elle vit ici, elle est de ce monde, les habite comme elle habite leur nature. Il y a quelque chose qui relève du sentiment, du non-formulé, de la possession. D'où les sema qui font monter l'extase ; la poésie seuls mots admis, car ne raisonnant pas. Voilà. Leur religion n'est pas raisonnable. Elle a la force secrète des croyances enfantines. Des rituels enfantins. "Rocher, exauce mon voeu, loups, cerfs, oiseaux, guidez-moi, arbre..." Je comprends le côté sauvage intériorisé de certains. Moi aussi, quand j'étais gosse, je donnais une âme aux arbres, avant d'être habitée par le logos.

Sinon, ce matin, c'est la la pluie, encore la pluie, quel pays !

mardi, avril 03, 2001

Ovacik

Dans ces voyages, encore plus que pour des raisons de sécurité et de chance, tout est rythmé et circonscrit par ces quelques aléas de la vie physique : eau chaude ou non à l'hôtel, petit-déjeuner ou pas, parfois du café, avec de la chance. Ce qui fait que l'esprit est libre, allégé.

lundi, avril 02, 2001

Ovacik

Nous voici dans le coeur du coeur de la montagne. Hier, rien foutu chez le père de Selim, sauf nous faire bourrer de bouffe, de café et de thé. Deux vieux pas très percutants, terrifiés à la seule évocation de leur gendre. Complètement démunis, sans voiture, sans rien. Du coup, on décide de contacter l'assoc et de descendre le lendemain dans le fameux hôtel. Pour cela, on fait appeler le type de l'assoc par le beau-père de Selim, qui ne comprend pas qu'on lui demande seulement l'adresse et le nom exact de l'hôtel, et ne cesse de répéter qu'il est à Istanbul. On le sait, crétin !

Entre temps, pris de remords, le beau-père se renseigne, rappelle, et nous apprend que l'hôtel est en fait l'hôtel "touristique" où nous étions d'abord descendus et que le patron de l'établissement est aussi le président de l'assoc. Donc, nous avions touché dans le mille, sans le savoir. Crise de fou rire en imaginant leur tête quand nous allons redébarquer.
Entre temps, passé à l'assoc. Aussi peu percutants que les autres. Nous demandent de revenir à midi, où un interprète nous attend.

Celui-là se révèle une bonne surprise : une grande sauterelle de Dersim qui parle allemand. Du coup je récupère mon allemand en le sortant du placard et après une après-midi, je le reparle assez couramment. En tous cas, il ne fait aucune difficulté pour nous emmener à Ovacik et rester avec nous à l'hôtel. A la gare routière, tout le monde nous fait de charmants sourire et nous encourage. Nous allons avec le guide à l'hôtel où nous étions revenues une heure auparavant pour finalement repartir. Si les keufs suivent nos allées et venues, ils doivent avoir le tournis. Le minibus vient nous cueillir à l'hôtel et nous voilà parties. Quatre contrôles sans encombre. Arrivée dans cette Arcadie enchanteresse aux doux gris et vert suave.

Brume des montagnes, argent translucide des bouleaux près d'un vert saignant. Beaucoup de ruisseaux, de tapis de jacinthes en fleur et des fleurs en clochette dont j'ignore le nom. Une jolie vallée, toute plate, entourée de montagnes enneigées. Par contre, le pays a l'air aussi pluvieux qu'en Ecosse. Demain, nous partons pour le plus joli coin, le parc naturel de Munzur baba, le lieu aux mille sources jaillissantes. Notre arrivée à Ovacik a fait sensation. Nous sommes bien les premiers étrangers depuis des décennies, alors étrangères ! Dîner chez le chauffeur du car, puis fait un tour. Arrêts fréquents dans les maisons pour boire du thé.

dimanche, avril 01, 2001

Dersim

ça y est ! Nous sommes dans la cité interdite. Une chance terrible, sans doute.

Le vendredi, nous sommes restés à Keban, invitées dans une famille qui au bout d'un moment m'a avouée être kurde et donc, nous avons parlé en cette langue. Dîner dans un restaurant de poissons, dodo au village. Hier, Elazig-Dersim. Passé le contrôle militaire sans encombre, le jeune soldat semblant un peu endormi. Le chauffeur a grommelé en se marrant que c'était une sacrée chance.

Nous sommes descendues à l'hôtel touristique, avec une étoile et de l'eau chaude (le rêve !). Plus une grosse blatte et une colonie de fourmis rouges dans la salle de bain.

Ensuite, divers coups de fil. Le beau-père de Selim, finalement, est à Istanbul. L'assoc ne répondait pas.

Restau, vers cinq heures. Après une semaine dans ces pays musulmans, ça fait plaisir de se retrouver chez les Alévis ! Cuite au raki pour Roxane. En même temps, téléphone. Ahmet Zeki était tellement scié qu'il a eu du mal à percuter, en nous demandant quand nous venions à Istanbul. Quand je lui ai dit où nous étions, il a mal compris : "Vous êtes à Paris ?" "Non, à Tunceli !" "Mais vous êtes en Turquie ?" "Ben oui, à TUNCELI!" "Ah... bash e..."

Puis Hüseyin, qui vient de terminer son film et qui nous prie de rester à la Première, le 20. Bon, rien que pour lui, on prolongera.

samedi, mars 31, 2001

Elazig

Halte de trois-quarts d'heure, avant de prendre la correspondance du minibus pour le Dersim. Et comme dit le type qui dégringole les 21 étages, "jusque là ça va, jusque là ça va..."

jeudi, mars 29, 2001

Malatya

La mosquée était fermée, hélas ! Dommage, car de l'extérieur, elle semble intéressante. Nous avons fait toute une promenade dans la vieille ville, très villageoise.

Hier, prises en otage, plus de bus avant le lendemain dans un petit bled désert vers sept heures. Encore dîné dans une de ces infâmes kebab chechtkhane. Lever tôt, on commence à être crevées.

mercredi, mars 28, 2001

Divrigi

Ah, un de ces bouts du monde comme je les aime ! Une petite ville de montagne, une simple bourgade en fait, mais avec les restes d'une ancienne belle ville : murailles, tombeaux, et une splendide, somptueuse mosquée-maristan, que nous visitons tout à l'heure.

Hier, journée mouvementée. Départ d'Erzincan à 4 heures, pour Dersim. Nous ne sommes pas allées très loin. Au premier contrôle, stop, on nous fait descendre du car et on nous explique que la zone est militaire, etc. Des petits militaires, morts de rire, et un commandant d'abord hostile, qui avait du mal à garder son sérieux. Ils m'ont passé au téléphone un interprète complètement paniqué, qui me suppliait.

"Understand, it's for your safety." Le fou rire, surtout quand je lui expliquais gentiment que revenir sur Erzincan, c'était bien, mais que nous n'avions plus de bus, ni de voiture, "Should we walk ?" Pendant que Roxane faisait mine de se jeter dans l'Euphrate et de revenir à la nage. Pour finir, toujours riant, ils ont stoppé un bus sur la route et nous ont remis dedans. Air étonné des passagers, complice du stewart. Commence par nous dire qu'il est Arménien en faisant les cornes sur le portrait d'un des sultans qui figure dans le guide, puis en vient à nous dire qu'il est kurde. C'était d'ailleurs assez intéressant de voir la façon dont l'autre stewart le fliquait. Sans rien dire, au fond, mine de rien.

Histoire d'aller fumer une cigarette au fond, de regarder le guide. C'est bien dans leur manière. Les deux savent ce qu'il en est et ne s'en cachent guère. Ce qu'il faut, c'est donner des gages. Alors de temps à autre, le Kurde nous disait combien était grand Atatürk. Et puis quand l'autre filait, satisfait, ça recommençait à parler le kurde. Non que le mouchard soit dupe. C'était les apparences qu'il demandait. Pour finir, il me demande en kurde si je parle le kurde. Je réponds oui et à partir de ce moment on a discuté pour savoir comment passer à Dersim. Le but de notre expédition l'enchantait et il a tendu la main pour qu'on lui serre, pouces croisés.

La mosquée-maristan de Divrigi est vraiment belle. Maintenant il est trois heures et à quatre heures nous prendrons un minibus qui nous emmènera pour un bus vers Malatya. La Grande Mosquée.

mardi, mars 27, 2001

Erzincan

Du balcon de l'hôtel, les montagnes brunes avec leur calotte de neige au sommet. Il fait doux et le ciel a le même gris fumé et voilé qu'à Elazig (ou Paris). Pas bon pour les photos, ça.

lundi, mars 26, 2001

Sivas

Le temps doux à présent. Ciel couvert, un peu étouffant. Nous partons à 6 heures pour Erzincan, et donc, nous arriverons de nuit. Ensuite, demain, nous devrons passer. Le seul Internet Café de la ville était complet. Impossible de savoir si j'ai des mails.

dimanche, mars 25, 2001

Sivas

Fait un tour dans la vieille ville (bof) d'Ankara. Déjeuner dans un salon, puis nous sommes retournées à la gare routière.

Pris enfin le car pour Sivas. Long voyage de nuit. 8 Kurdes dans le car. Les chauffeurs et stewards sidérés, les passagers aussi, que nous allions là-bas. Nous nous sommes faites inondées de thé et de café, et d'eau de Cologne. Pour nous seules, bien sûr. Les autres passagers pouvaient se brosser. Ils parlaient parfois le kurde entre eux. Déjà que venir de France ici leur semblait incroyable, si je m'étais adressée à eux en kurde ! Pour finir, nous débarquons avec détachement en bordure de ville, à 11 heures du soir, sans taxi en vue (nous découvrirons le lendemain que nous étions en face d'une énorme station de taxi et de l'otogar, mais dans le noir...). En face, un hôtel. J'y entre. Le type sidéré, un Turc. Je lui demande le prix d'une double en turc. Médusé, il ne pense pas à me faire le prix touriste.

Cela dit, nuit glacée et humide. Nous déguerpissons ce matin et nous atterrissons dans un hôtel du centre, le double du prix mais avec vraie salle de bain, séchoir, TV, et tout. Plus une coiffeuse qui me sert naturellement d'écritoire alors que mes produits de beauté sont éparpillés sur la table de nuit.

Le temps est un peu frais, moins qu'à Ankara, mais gris. J'espère que ce ne sera pas ça à Dersim.

La Madrassa est vraiment dans un triste état, la pauvre. Les pierres sont numérotées mais je ne sais pas depuis combien de temps elle est en attente de restauration. La façade est moins belle que celle d'Erzurum, de facture plus sèche. Mais deux petits panneaux de part et d'autre de la porte, des têtes de dragons emmêlés, sont une belle trouvaille.

Maintenant, nous déjeunons dans un salon. Déjeuner hâtif, plus pour se caler, oignons, tomates, salade et viande rôtie. Ensuite, la Grande Mosquée, le bazar.

Finalement nous partirons pour Erzincan. Ensuite, la grande question : pourrons-nous passer ?

Ces villes d'Asie Centrale sont décidément bien maussade. Rien à voir avec la magie de Djezireh Je suis sûre qu'il fait très doux en ce moment, dans le Bohtan. Au fond, Sivas rappelle Elazig. Même atmosphère un peu triste et morne. Qu'est-ce que ça va être à Dersim !

samedi, mars 24, 2001

Ankara

Anakara est une ville décidément épouvantable. Moche, terne, grise. Rien à y faire. Le pire est que nous nous sommes faites avoir comme des bleues en suivant à l'a gare routière le premier rabatteur venu qui nous a emmené à sa propre compagnie, qui n'avait un bus qu'à quatre heures. Alors que nous aurions dû faire le tour de toutes les compagnies !

vendredi, mars 23, 2001

Vol Paris-Istanbul

Parties à 13 heures. Un peu tendue dans l'avions, puis cela s'est dissipé, plus avec le vin rouge que le xanax à mon avis.

Concert de soutien à l'Institut kurde