lundi, avril 07, 2014

Rapport d'Amnesty International : L'Irak et l'Iran, ces pays-champions de la peine de mort



Le rapport annuel de l’ONG Amnesty International sur la peine de mort dans le monde établit que l’Irak et l’Iran sont les deux pays 

« à l'origine d'une forte augmentation du nombre d'exécutions dans le monde en 2013, allant à l'encontre de la tendance mondiale à l’abolition de la peine de mort. Le nombre alarmant d'exécutions dans un groupe restreint de pays – principalement ces deux pays du Moyen-Orient – s'est traduit par près d'une centaine d'exécutions supplémentaires dans le monde par rapport à 2012, soit une augmentation de presque 15 %. »

Salil Shetty, le secrétaire général d'Amnesty International, qualifie même « le rythme quasi frénétique des exécutions dans certains pays comme l'Iran et l’Irak » de « scandaleux ». En effet, mis à part la Chine, dont le nombre des exécutions est classé comme « secret d’État » et qui, depuis 2009, échappe ainsi aux statistiques, la hausse significative des exécutions entre 2012 et 2013 est à imputer largement à l’application en hausse de la peine de mort dans ces deux pays. En ce qui concerne la Syrie, la situation ne permet évidemment plus, depuis 2012, d’enquêter sur les exécutions.

« Près de 80 % des exécutions recensées dans le monde ont eu lieu dans seulement trois pays : l’Arabie saoudite (79 exécutions en 2013), l’Irak et l’Iran », alors que la tendance générale, dans l’ensemble des pays, tend vers l’abolition. Ces trois pays sont « à eux seuls responsables de 95 % des exécutions confirmées dans la région » (le Moyen-Orient).

En Irak, « les exécutions signalées ont augmenté de près de 30 % ; 169 personnes, peut-être davantage, ont été mises à mort en 2013. » Mais le chiffre réel est « probablement beaucoup plus élevé, car beaucoup de condamnations à mort ne sont pas rendues publiques ». 35 personnes ont été condamnés à mort l'année dernière, dont une femme. D’après un rapport du ministère irakien des Droits de l’homme, « les juridictions pénales ont prononcé plus de 2 600 condamnations à mort entre 2004 et 2012, plus de 280 par an en moyenne. »

En Iran, « au moins 369 exécutions ont été reconnues officiellement, mais plusieurs centaines d’autres ont été signalées par d’autres sources. » Le nombre des exécutions a augmenté de 18% mais 

« des éléments crédibles montrent qu'un grand nombre d'exécutions ont eu lieu en secret et, selon des sources fiables, au moins 335 autres exécutions ont eu lieu (concernant des femmes dans 18 cas au moins). Ceci porterait le nombre total d'exécutions à 704 au moins pour l'année 2013 ».

Pour l’Irak comme pour l’Iran, le mode exécutoire est la pendaison. En Irak, 

« les exécutions sont souvent réalisées en série et dans des délais très courts après que l'intéressé a été averti. Réagissant à l'exécution de 21 hommes dans la même journée, en avril, la haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies a déclaré que le système judiciaire irakien comportait ‘de trop graves lacunes pour permettre une application même limitée de la peine de mort, a fortiori pour des dizaines d’exécutions à la fois. Exécuter ainsi des gens par lots entiers est indécent. Cela s’apparente à de l’abattage de bétail’ ». 

L’Iran a pratiqué plusieurs exécutions en public : 

« au moins 44 exécutions se sont déroulées en public, le plus souvent par le moyen d'une grue soulevant dans les airs le condamné auquel on avait passé une corde autour du cou, devant une foule de spectateurs. Il est possible que certains des condamnés aient été des mineurs (au moins 11 des prisonniers exécutés).»
Il est en tout cas établi qu’en Iran, des détenus se trouvant dans les couloirs de la mort étaient mineurs au moment des faits qui leur sont reprochés. 

Ces deux pays ont recours à la torture pour extorquer des aveux, et  dans les deux cas, ces « confessions » sont parfois retransmises à la télévision, « avant le procès, au mépris du droit à la présomption d’innocence. Pour l'Irak,

« il est fréquent que des « aveux » soient obtenus sous la torture ou d'autres mauvais traitements, dont, selon des informations fiables, les décharges électriques sur des endroits sensibles du corps, la suspension par des menottes, les coups de crosse de pistolet et de câble assénés sur la plante des pieds (falaqa) et l'utilisation de perceuses. »
En Iran, pays tout aussi tortionnaire, la peine de mort peut être un châtiment obligatoire. Or, rappelle Amnesty international,
« l’imposition obligatoire de cette peine n’est pas compatible avec la protection des droits humains puisqu’elle ne laisse aucune possibilité de tenir compte de la situation personnelle de l’accusé ou des circonstances du crime ». Par ailleurs, les « crimes » qui encourent, parfois de façon automatique la peine de mort en Iran ne sont pas toujours des homicides, mais peuvent être des délits liés au trafic de stupéfiants, ou bien des viols. »

Il y a aussi, dans la République islamique d'Iran, les crimes à caractère politico-religieux, comme l’« inimitié à l’égard de Dieu », la « trahison », les « atteintes à la sécurité nationale », la « collaboration » avec une entité étrangère et autres « crimes contre l’État » :
« La majorité des exécutions pratiquées en 2013 ont concerné des personnes condamnées pour meurtre, trafic de drogue, viol, espionnage, « inimitié à l'égard de Dieu » ou « corruption sur terre », ces deux dernières infractions étant définies en des termes vagues. L'« inimitié à l'égard de Dieu » vise principalement l'insurrection armée. Dans la pratique, toutefois, ce chef est utilisé contre des personnes n'ayant pas pris les armes mais à qui l'on reproche des liens avec des organisations interdites en Iran. Le champ d’application de la peine de mort en Iran restait large et comportait, entre autres, le meurtre, l’« adultère par une personne mariée », l’« apostasie » et la « sodomie », autant d'actes qui n'entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » à laquelle font référence les normes internationales et qui ne devraient même pas être considérés comme des infractions. En mai, le président Ahmadinejad a promulgué une loi modifiant le Code pénal islamique. La peine de lapidation pour le « crime » d'« adultère » était maintenue dans les nouvelles dispositions. 
« En ce qui concerne les exécutions, des avocats signalent qu'ils ne sont pas toujours informés au préalable de l'exécution de leur client, malgré l’obligation légale de les avertir 48 heures à l’avance. Les familles n'ont pas toujours la possibilité de rendre une dernière visite à leur proche. Elles ne sont pas systématiquement informées de l'exécution à l'avance, ni même parfois après. Très souvent, le seul indice de l'imminence d'une exécution est le transfert d'un condamné à mort vers une cellule d'isolement, appelée la « salle d'attente de l'exécution ». Il arrive que le corps de la personne exécutée ne soit pas rendu à sa famille, et que celle-ci ne soit pas informée du lieu où il a été inhumé. 

Ainsi, en octobre 2013, Le prisonnier politique kurde Habibollah Golparipour, arrêté en 2009 et condamné à mort en 2010, lors d'un procès qui avait duré cinq minutes, sur le chef d'« inimitié à l'égard de Dieu » lié à sa collaboration supposée avec le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), a été exécuté sans que sa famille ait été informée. Les autorités ont refusé de lui restituer le corps.

Amnesty International a rassemblé des informations sur de nombreux autres cas dans lesquels

 « la peine de mort a été utilisée comme moyen de répression contre des représentants politiques ou culturels des minorités ethniques du pays – Arabes ahwazis, Baloutches et Kurdes notamment. »
Comme pour l’Iran, la peine capitale en Irak ne sanctionne pas toujours des homicides, mais 

« l'immense majorité des exécutions pratiquées ces dernières années concernent des personnes condamnées sur la base de l'article 4 de la Loi n° 13 de 2005 relative à la lutte contre le terrorisme, parmi lesquelles un certain nombre de ressortissants d'autres pays arabes. Cette loi sanctionne notamment des actes définis en des termes vagues comme le fait de provoquer, de planifier, de financer ou de commettre des actes terroristes, ou le fait d’encourager d'autres personnes à commettre de tels actes. La position du gouvernement est que la peine de mort est nécessaire dans un contexte marqué par le nombre élevé d'attaques de groupes armés contre des civils. Or aucun élément ne permet d'affirmer que la peine de mort a un effet dissuasif sur la criminalité ou les attentats. La situation sécuritaire a d'ailleurs empiré dans le pays ces dernières années. […] Dans de nombreux cas les condamnations à mort interviennent à l'issue de procédures contraires aux normes d'équité les plus élémentaires, au cours desquelles les prisonniers n'ont pas accès à une représentation juridique digne de ce nom. »


Par contre, « aucune exécution n'a eu lieu depuis 2008 dans la région du Kurdistan d’Irak. » Ce qui est une bonne nouvelle, car il arrive fréquemment que l'abolition de la peine de mort dans un pays ait été précédée d'une période de non-application (ce fut le cas en Turquie). C'est donc un signe qui peut laisser espérer une future abolition de la peine capitale dans la Région du Kurdistan d'Irak et les ONG et autres instances internationales devraient encourager le GRK à continuer d'aller dans ce sens, surtout au moment où le Kurdistan d'Irak fait face à une recrudescence des menaces terroristes qui pourrait l'inciter à rompre avec cette tendance.

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