dimanche, novembre 18, 2012

Fleur des truands : La salle mystérieuse et les rois kurdes



Otmân partit rejoindre les palefreniers. Le vizir dit à Baïbars : "Viens que je te montre la salle mystérieuse." Ils prirent chacun un chandelier et marchèrent jusqu'à l'entrée du palais et le vizir ouvrit la porte du harem, ils marchèrent jusqu'à la grande salle à laquelle le vizir ne permettait à personne d'accéder, il sortit une clef et ouvrit la porte. Dans le vestibule, il tourna une clef cachée dans une niche et une petite porte s'ouvrit. Par là ils pénétrèrent dans un second palais. Pour faire court, disons qu'il y avait un patio couvert de dalles de marbre avec un bassin dont l'eau débordait. Sur le côté, il y avait un robinet. Il le tourna et le bassin, qui était carré, se mit à pivoter sans que l'eau s'arrête pour autant de couler. Dans un angle ils aperçurent un souterrain. Ils y descendirent pas un escalier de cinq marches. Ils arrivèrent à un vestibule, avec une porte qu'ils ouvrirent. Ils parvinrent ainsi à un autre niveau où ils descendirent par un escalier de cinq marches. Et ainsi quatre fois de suite. Ils descendirent donc vingt marches et finirent par arriver à la quatrième porte qui était de cuivre ornée de clous d'argent. Elle avait un anneau d'or qui brillait comme un rayon de lune, mais pas de serrure. Tout cela étonna fort Baïbars. Châhîn appuya sur le haut de la façade. Une porte s'ouvrit. Baïbars prit garde et recula. Il en sortit deux flèches, plus rapides que l'éclair qui se fichèrent dans le mur. Elles auraient transpercé un chameau et combien plus un homme ! Ils entrèrent dans un long couloir et aperçurent une porte d'or rouge, recouverte d'une tenture de velours ; Châhîn l'écarta, ouvrit la porte, et ils entrèrent dans une salle immense entourée de tous côtés par des arches, qui étaient au nombre de quarante. Chaque arche ouvrait sur une alcôve fermée par un rideau de brocart de soie rehaussé d'or qui brillait à la lumière.
Il écarta le rideau qui cachait la première alcôve. Baïbars aperçut une assemblée splendide : il y avait là des soldats, des chambellans, des vice-rois. C'était une réunion solennelle du conseil royal. Le roi lui-même inspirait la crainte et le respect : il semblait grand et fort comme une montagne. "Qui est-ce, mon père ? demanda Baïbars. – C'est l'image de l'un des rois kurdes ayyoubides. Il se nomme Sunqur l'Atabek, et fut le premier à siéger sur le trône d'Égypte. 

[NdT : ces détails ne correspondent qu'approximativement à la vérité historique. Sunqur est vraisemblablement Aq Sunqur, dont le fils Zankî, atabek ("régent") de Mossoul, fonda la dynastie turque des Zankides (1127-1173), dont le plus célèbre représentnt fut le fils de ce dernier, Nour El-Dîn (mort en 1174), qui régna sur la Syrie et l'Égypte. Quant à la dynastie ayyoubide, elle fut fondée après sa mort, par son ancien lieutenant Saladin, qui était d'ethnie kurde. Ce dernier, on le remarquera, n'est pas cité par le conteur ; cela s'explique peut-être par le fait que le souvenir de Nour El-Dîn, resté particulièrement vivace à Alep, dont est originaire cette version du Roman, a éclipsé dans la mémoire populaire du temps celui de son successeur.

– Ah, bien !" répondit Baïbars. Puis ils allèrent vers la seconde alcôve ; ils écartèrent également le rideau et aperçurent un second roi. La salle du conseil n'avait pas changé : c'était une salle de la citadelle du Caire ; mais les princes et les dignitaires qui entouraient le roi n'étaient pas les mêmes que ceux de l'alcôve précédente. "Vois, mon fils, dit Châhîn, comme le pouvoir change de main en ce bas monde ! Voici le roi qui régna après celui que nous venons de voir ; Il se nommait Ismaïl Zanki.
[Peut-être à relier au fils de Nour El-Dîn, Isma'îl, qui succéda à son père encore enfant et qui mourut jeune, avant l'âge de vingt ans, mais put se maintenir à Alep du temps de Saladin, bien que ce dernier ait tenté de prendre la ville, rencontrant une forte résistance des Alépins, fidèles aux Zankîdes, qui le firent rebrousser chemin]
Ils passèrent à la troisième alcôve, écartèrent le rideau : il y avait encore un autre roi."Voici le fils du précédent, Nour El-Dîn le Martyr," fit Châhîn. Et il lui montra ainsi toutes les alcôves qui se trouvaient du côté gauche de la salle : dans chacune se trouvait un roi kurde ayyoubide. Le dernier était El-Sâleh Ayyoub El-Najmî ; il était assis sur son trône,  flanqué du vizir Châhîn, et il était entouré des émirs kurdes. Dans l'alcôve suivante se trouvait l'image de son fils, Issâ Ghâzî, lui aussi assis sur le trône. Puis l'image du fils de ce dernier, Khlalîl El-Achraf, puis celle d'Aïbak le Turkmène, puis celle de Qutuzz El-Muzaffar.

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