lundi, octobre 22, 2012

L'Iran à l'heure des révoltes arabes : résumé des interventions (fin), Les Azéris, les Kurdes et encore les Arabes

Seconde table ronde, modérée par Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris : La Question des peuples non persans.


M. Hedayat Soltanzadehmembre du comité exécutif du Mouvement fédéral démocratique d'Azerbaidjan, rappelle qu'avec l'avènement des Pehlevi, la Perse a changé de nom pour devenir "l'Iran", et que la taille actuelle de l'Iran n'est pas du tout la même que celle de l'Empire perse, et qu'il ne s'agit donc plus du tout du même pays. Ce pays est multi-national et il n'existe pas une "nation d'Iran", mais une mosaïque de nations qui n'existaient pas en tant que telles avant la Révolution française. Après l'avènement au pouvoir des Pehlevi, un nouveau système a été instauré avec une unique "nationalité, un système fondé sur l'hégémonie politique des Persans et celle de la langue persane, langue officielle ; les autres langues sont interdites. 


Il y a deux niveaux de discrimination et de répression : la dictature des Pehlevi était une dictature classique, mais avec la révolution islamique est venu un régime totalitaire fondé sur une idéologie, une idéologie aryenne et islamique. La question nationale est devenue intrinsèque au régime et se traduit par des violences quotidiennes contre les peuples non-persans. La cohésion nationale est devenue un problème sérieux en Iran et l'Iran ne sera jamais comme auparavant. Tout changement dans le pouvoir central soulèvera la question de nationalités.

Récemment, un tremblement de terre en Azerbaïdjan a causé un tollé car le gouvernement a empêché les services de secours d'aider la population. Des agences de secours centrales sont venues mais elles n'ont pu communiquer avec la population locale. La situation économique est aujourd'hui dégradée ainsi que l'habitat écologique : le lac d'Ourmiah est complètement asséché par les digues et les barrages. Aucun investissement n'a été réalisé en Azerbaïdjan et les Azéris émigrent vers l'État d'Azerbaïdjan et Bakou, ainsi qu'à Téhéran et Istanbul. Des Azerbaïdjanais croupissent en prison pour avoir demandé le droit à l'éducation dans leur langue. Dès l'école maternelle, il est interdit de parler azéri.

Un système fédéral est nécessaire pour que les peuples vivent ensemble.

M. Mostafa Hejrisecrétaire général du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran, a succédé à Abdulrahman Ghassemlou et Sadeq Sherefkandi, tous deux assassinés par le gouvernement iranien (qui a assassiné en tout 162 de ses opposants à l'étranger et pour la seule décennie 90, 151 membres du PDK-I réfugiés au Kurdistan d'Irak), et il commence par évoquer leurs mémoires et leurs parcours politiques.

Le terrorisme, intérieur comme à l'étranger, fait partie intégrante de la stratégie du régime iranien et lui permet de se maintenir au pouvoir et les victimes de ce régime ne sont pas seulement iraniennes.

Les Kurdes, les Azéris, les Arabes, les Baloutches, les Turkmènes, et aussi les membres de minorités religieuses, les Bah'ai, les Yarsans, sont opprimés en raison de leur identité nationale et/ou religieuses.

Au Kurdistan d'Iran, l'oppression est institutionnelle et a des répercussions politiques, culturelles, sociales. On leur refuse l'enseignement dans leur langue maternelle, et la préservation de leur culture. Les arrestations arbitraires et la torture sont monnaie courante. Le Kurdistan est maintenu en permanence dans un sous-développement économique. Il y a un taux très élevé de suicides (surtout parmi les femmes) et un taux inquiétant de toxicomanie.

M. Yussef Aziziancien professeur à l'Université de Téhéran, revient sur les Arabes d'Iran et les requêtes qu'ils avaient fait en 1979 au moment du changement de régime, présentées au gouvernement provisoire : entre autre, figuraient l'autonomie de la région du Khuzistan et le retour à son ancien nom d'Arabistan ; la reconnaissance des Arabes d'Iran comme une nation au sein de la république islamique ; un comité autonome dans la région arabe qui légiférerait au niveau local ; des tribunaux en langue arabe ; que l'arabe soit la langue officielle de la région autonome, le persan restant la langue officielle de l'Iran ; l'éducation en arabe dès l'école élémentaire ; une université en langue arabe ; la liberté d'expression, de publication et des media en arabe ; priorité d'emploi donnée aux Arabes de cette région ; que des fonds provenant des revenus pétroliers soient alloués pour développer l'agriculture et l'industrie de la région ; que la topographie retrouve ses noms historiques en arabes ; que des jeunes Arabes puissent intégrer l'armée et la police et accéder à des grades élevés, ce qui n'a jamais été le cas.

La situation aujourd'hui : la ville portuaire de Khorramshahr (anc. Mohamerah), qui avait été "le fleuron des ports iraniens" n'a pas encore été entièrement reconstruite, et le chômage et la pauvreté y sont endémiques. De nombreux barrages ont été construits et la déviation des eaux vers Ispahan, Yazd, Kerman, pour des cultures non essentielles (laitues, melons) s'est faite au détriment de la culture du blé  et de l'orge et des paysans arabes. La pollution des eaux industrielles rejetées dans les rivières, la mauvaise qualité de l'atmosphère à Ahwaz et d'autres grandes villes, aggravée par des tempêtes de sable (110 jours par an), l'assèchement des marais causés par les barrages, tout cela donne le tableau d'une catastrophe écologique. L'eau bue par de nombreux résidents n'est pas saine. Ahwaz est l'une des villes les plus polluée au monde.

Malgré les revenus pétroliers tirés de la région, la majorité de ses habitants vit dans la pauvreté. 

Le peuple arabe peuple le Khuzistan à 70% mais seuls 5% d'entre eux occupent des postes administratifs importants. Les autres postes sont occupés par des Persans. Au cours des 80 dernières années, aucun Arabe n'a occupé le poste de gouverneur de la province.

Les Arabe ont été le premier groupe ethnique à avoir été la cible des politiques nationalistes et racistes, dès le milieu du XIXe siècle et ensuite avec l'avènement des Pehlevis au pouvoir. Ce sentiment anti-arabe a commencé de faire partie de la culture, que ce soit dans les classes moyennes et même les moins aisées.

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Concert de soutien à l'Institut kurde