lundi, octobre 01, 2012

La guerre du pétrole irakien : accord partiel entre Bagdad et Erbil


source CIA


Le Kurdistan avait annoncé, en début de mois, qu’il prolongeait l’exportation de son pétrole brut vers l’Irak jusqu’au 15 septembre, date buttoir à laquelle Bagdad devait s'être s’acquitté de ses dettes envers des compagnies pétrolières kurdes. De son côté, l’Irak avait accepté de régler un montant de 560 millions de $US, mais les paiements tardaient à être débloqués.

Le 4 septembre, le Premier Ministre irakien affirmait dans un communiqué que les États-Unis avaient demandé aux sociétés créancières de «coopérer» avec le gouvernement central plutôt que de participer au gel des exportations de brut et de gaz. Nouri Maliki indiquait avoir obtenu cette information lors d’une rencontre avec Elizabeth Jones, assistante au Secrétariat d’État pour les affaires du Proche-Orient.

Mais le porte-parole du Département d’État n'a pas confirmé, répondant seulement à l’agence Reuters au sujet de l'autre litige, celui des contrats,  que Washington «conseillait» les compagnies américaines au sujet des affaires irakiennes, surtout pour la question des contrats signés avec les Kurdes sans l’accord de Bagdad, mais que ces mêmes compagnies prenaient leur propre décision. 

Le même jour, le gouvernement central irakien laissait entendre qu’il pourrait, à son tour, amputer les paiements qu’il verse à la Région du Kurdistan (17% du budget de l’État selon la constitution), en se remboursant des pertes subies par l’arrêt des exportations, pertes qui s’élèveraient, selon Bagdad, à plus de 3 milliards de $. Ali Al-Moussavi, un conseiller du Premier Ministre irakien a annoncé qu’une délégation du Gouvernement régional du Kurdistan avait reçu un ultimatum d’une semaine pour entamer des négociations ou bien ces 3 milliards seraient déduits du budget des Kurdes.

Malgré l’escalade apparente des menaces mutuelles, peu croyaient  à un point de non retour dans les relations entre Erbil et Bagdad. Ainsi, Tony Hayward, le directeur général de Genel estime que l’Irak comme le Kurdistan auraient plus à perdre qu’à gagner en ne résolvant pas leur conflit, et que les enjeux sont trop élevés pour qu’ils ne parviennent pas à un compromis : « Dans un ou deux ans, la capacité de production du Kurdistan se sera accrue à environ un million de barils par jour – c’est trop de pétrole pour que tout soit coupé en raison d’une querelle politique. Donc, d’une façon ou d’une autre, cela sera résolu. » (Reuters).

 Cela dit, le directeur de Genel Energy reconnaît que si, malgré tout, le Kurdistan décidait de geler à nouveau ses exportations vers l’Irak, le pétrole brut que sa compagnie exploite, des champs de Taq taq et Tawke (respectivement 105 000 et 70 000 barils par jour), pourrait être vendu à des entreprises locales qui paient le baril 60$, soit un prix moins cher que le prix du marché, mais qui serait suffisant pour que la société s’y retrouve.

Si un accord est trouvé entre Erbil et Bagdad, un nouveau gazoduc reliera Taq Taq à Khurmala, le point d’entrée de l’oléoduc Irak-Turquie. Concernant la vente directe du brut et du gaz kurdes à la Turquie, elle se fait pour le moment par camions. On estime ainsi à 15 camions par jour la livraison de pétrole partant de l’usine Khor Mor et convoyé à Mersin (Adana). En retour, les Kurdes reçoivent, toujours par camion, de petites quantité de carburant diesel et de kérosène, un troc qui est considéré plus comme un point de départ « symbolique » d’exportation et d’importation futures entre les deux pays. Le débit du condensat de gaz naturel provenant de Khor Mor se situe autour de 3000 barils par jour, ce qui est de même assez infime, mais est vendu à plus de 100 $ le baril à Mersin.

Alors que la date buttoir du 15 septembre approchait, une fausse alerte a eu lieu le 11 septembre, quand le ministère du Pétrole irakien a annoncé que les Kurdes avaient baissé leur exportation de brut à environ 75 000-80 000 barils par jour, contre un débit de 115 à 120 000 auparavant. Mais il s’avéra que la baisse avait été causée par un incident technique sur le champ pétrolier de Khurmala qui avait nécessité une interruption temporaire du pompage.

Pour finir, comme Tony Hayward le prévoyait, un accord a finalement eu lieu le 13 septembre entre l’Irak et le GRK, ce dernier s’engageant à poursuivre les exportations et Bagdad promettant de payer les entreprises créancières du Kurdistan de 857 millions de $ (un trillion de dinars irakiens). L’objectif est d’atteindre les 200 000 barils par jour en provenance du Kurdistan, à la fin de l’année. En attendant, le débit sera de 140 000 barils par jour.

Ce litige pour le moment enterré, restent celui des contrats signés avec les compagnies étrangères et celui de l’exportation de brut en Turquie. Jusqu’ici, malgré la fureur de Hussein Sharistani, le vice-président irakien en charge de l'énergie, et les menaces de rétorsion sur leurs intérêts en Irak, les sociétés qui ont signé avec le GRK ont peu pâti de la situation. Par ailleurs, une annulation de la plupart des contrats d’exploitation et d’exploration du pétrole irakien serait bien plus dommageable pour Bagdad, en poussant les compagnies « bannies » à investir davantage au Kurdistan d’Irak. Aussi, depuis l’été, les déclarations de possibles signatures de contrats entre des sociétés étrangères et Erbil se multiplient. 

Le 22 septembre, des sources proches du GRK laissaient entendre que c'était au tour de Royal Dutch Shell d’envisager de travailler au Kurdistan,. Mais le porte-parole français de Shell a aussitôt démenti que de tels pourparlers avaient commencé, en rappelant qu’ils travaillaient déjà sur trois projets de taille en Irak, où ils figurent parmi les plus importants des investisseurs, tout en ajoutant qu’ils chercheront toujours de « nouvelles opportunités et projets là où ils pourront ajouter de la valeur à l’Irak. » 

 En octobre 2011, cependant, selon des sources émanant des milieux pétroliers, Shell avait projeté de venir au Kurdistan d’Irak mais avait renoncé en voyant les foudres qu’Exxon avait subi de la part de Sharistani. Il est probable que des compagnies hésitant entre Bagdad et Erbil ou plutôt voulant garder les deux, attendent de voir les véritables mesures prises contre Exxon, Chevron, Total et tous ceux qui ont osé enfreindre l’interdit irakien.

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