mercredi, janvier 26, 2011

Rapport de Human Rights Watch pour l'année 2010



Chaque année, c'est comme le Beaujolais nouveau, on n'est pas vraiment déçu, on sait que ça ne sera pas fameux…


TURQUIE

Déjà critiquée pour la lenteur de ses avancées en matière de droits de l'homme, malgré beaucoup de promesses, le bilan demeure "mitigé" pour 2010 : détentions arbitraires, poursuites judiciaires s'apparentant à du harcèlement, condamnations pour "terrorisme" injustifiées, même si l'AKP a pu réformer partiellement la constitution héritée du coup d'État de 1980.    


Mais l'ONG juge que la fameuse "ouverture" avance à pas de tortue. La Cour constitutionnelle a dissout le parti pro-kurde DTP en décembre 2009 pour "activités séparatistes" et des centaines de membres de ce parti, ainsi que du parti qui lui a succédé, le BDP, sont jugés pour appartenance à l'Union des communautés kurdes, organisation accusée d'être une émanation du PKK.

Même si l'on parle de plus en plus d'un règlement politique du conflit, les accrochages entre armée et guerilla se poursuivent. L'attaque d'un bus à Hakkari a fait 9 victimes civiles, sans que l'on puisse déterminer clairement si les auteurs en sont le PKK ou les forces de sécurités turques. Le PKK est également soupçonnée d'être à l'origine du meurtre de 2 imams à Hakkari et Şirnak.

Des exactions anti-kurdes ont eu lieu dans le reste du pays. En juillet 2010, des biens appartenant à des Kurdes de Negol, dans la province de Bursa, ont été saccagés. 

Bien que le débat soit de plus en plus ouvert en Turquie, sur des questions autrefois tabous,  des personnes font encore l'objet de poursuites pour des prises de position non violentes, déclarations, discours, écrits, manifestations et sont maintenus en détention en attendant leur jugement.

Journalistes et éditeurs sont aussi harcelés judiciairement, soit pour "tentative d'influer sur une procédure judiciaire", soit pour "violation du secret de l'instruction", soit pour "propagande terroriste".

Le rédacteur du journal Azadiya Welat, Vedat Kursun, a ainsi été condamné à 166 ans de prison en mai 2010 pour 103 délits de "propagande terroriste" et "appartenance au PKK". Toujours emprisonné, il attend son jugement en appel.

L'accès à certains sites Internet est toujours interdit, par exemple YouTube. Des journaux pro-kurde ou de gauche sont sujets à des fermetures arbitraires. En 2010, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la Turquie à plusieurs reprises pour viol de la liberté d'expression, par exemple pour avoir usé de sa loi Anti-terreur aux fins d'interdire la publication de périodique.

Cette loi Anti-terreur sert encore pour poursuivre des manifestants pro-PKK de la même façon que s'il s'agissait de combattants en armes. Beaucoup d'entre eux sont longuement détenus en attendant leur jugement et sont ensuite condamnés à de lourdes peines. Cette loi a seulement été amendé en juillet dernier de sorte que les mineurs y soient soustraits.

Des centaines de responsables et de militants du parti pro-kurde DTP et son successeur le BDP (qui comprend 20 députés) ont été poursuivis en justice cette année, par exemple pour leurs liens avec l'Union des communautés kurdes (KCK), une organisation accusée de dépendre du PKK.

En octobre 2010, 7 maires, plusieurs avocats et un défenseur des droits de l'homme figuraient parmi les 151 responsables et militants jugés à Diyarbakir pour séparatisme et appartenance au KCK. Les maires ont déjà passé 10 mois en détention, 53 autres accusés 18 mois, tandis que dans tout le pays, près de 1000 membres du DTP ou du BDP, suspectés de faire partie du KCK sont eux aussi en détention provisoire.

Muharrem Erbey, vice-président de l'Association des droits de l'homme et président de la branche de   Diyarbakir, arrêté en décembre 2009, pour appartenance au KCK,  est lui aussi toujours en détention. Vetha Aydin, présidente de la branche de  Siirt pour cette même association, a été arrêtée en mars pour le même chef d'accusation et est aussi toujours emprisonnée au moment de la rédaction de ce rapport.

Les violences policières restent un problème, surtout lors des manifestations et des arrestations qui s'ensuivent. La torture et les mauvais traitements en détention ont décru.  

Les gendarmes ont abattu au moins 9 contrebandiers dans les zones frontalières de Van, Şirnak et Urfa.

Actuellement, un colonel en retraite, des gardiens de village et des informateurs sont en jugement pour le meurtre de 20 personnes entre 1993 et 1995 à Cizre.



IRAN

Emprisonnements pour délits d'opinion et exécutions, rien ne s'est amélioré, pas plus que le traitement réservé aux prisonniers.

En 2010, Farzad Kamangar, Ali Heidarian, Farhad Vakili, Shirin Alam Holi et Mehdi Eslamian ont été pendus le 9 mai 2010 à la prison d'Evin, Téhéran, sans que leurs avocats ni leurs familles aient été informés. 16 autres Kurdes sont condamnés à mort, accusés d'appartenance à un mouvement armé.

L'Iran continue de persécuter ses minorités, qu'elle soient religieuses, comme les Baha'i ou les Yarsans, ou même les sunnites, ou ethniques, comme les Kurdes, les Arabes, les Azéris ou les Balutches.



KURDISTAN D'IRAK

L'excision des filles est répandue, et en novembre 2010 un rapport du ministre de la Santé au Kurdistan donnait le chiffre de 41% des femmes et filles kurdes à avoir été mutilées. Le 6 juillet 2010, l'Union des docteurs de la loi musulmans du Kurdistan, par sa haute commission des fatwa, a déclaré que l'islam ne prescrit pas cette pratique, mais n'a pas appelé à son interdiction. La commission parlementaire des droits de la femme au Kurdistan a pu faire passer un projet de loi sur les violences familiales en y incluant l'excision et le ministre de la Santé a annoncé des plans pour informer le public sur les conséquences négatives de cette pratique. Mais le gouvernement n'a pas encore interdit l'excision, pas plus qu'une campagne réelle pour l'éradiquer n'a été initiée.

Le 4 mai, des inconnus ont enlevé, torturé et tué Sardasht Osman, un étudiant de 23 ans, qui écrivait pour des journaux en free-lance. Sa famille, ses amis et d'autres journalistes accusent les partis au pouvoir d'être à l'origine du meurtre en raison des articles critiques dont Sardasht Osman était l'auteur. De nombreuses plaintes de journalistes visent les forces de sécurité kurdes pour harcèlement, intidmidation, menaces, arrestations et agressions de journalistes. Des responsables politiques ont poursuivi des journaux en justice après avoir été mis en cause dans la presse.



SYRIE

Aucun changement n'a été observé dans les pratiques répressives de la Syrie. Les mêmes violations ont lieu contre les militants politiques, les défenseurs des droits de l'homme ; des sites Internet sont censurés, des blogueurs emprisonnés ou empêchés de sortir du territoire.

L'État d'urgence décrété en 1963 est toujours en vigueur, permettant aux forces de sécurité d'arrêter des personnes sans mandat et de les détenir au secret pour de longues périodes. La Cour suprême de sécurité condamnent dans des tribunaux d'exception des Kurdes et des islamistes sans qu'il y ait procès régulier. Des dizaines de militants kurdes ont été ainsi condamnés à des peines de prison en 2010, la plupart membre du PYD, une branche syrienne du PKK, mais pas seulement. En avril 2010, 4 membres du parti Yekitî (qui ne prône pas la lutte armée), Yasha Wader, Dilghesh Mamo, Ahmad Darwish, et Nazmi Mohammad ont été condamnés à 5 ans de prison pour avoir tenté "d'amputer le territoire syrien". Trois autres hauts responsables de Yekitî, Hassan Saleh, Muhammad Mustapha, et Ma`ruf Mulla Ahmad sont actuellement poursuivi pour les mêmes chefs d'accusation.

En juin 2010, un juge militaire a condamné Mahmud Safo, membre du Parti kurde de gauche, à un an de prison pour "incitation à des conflits sectaires " et appartenance à une organisation interdite". 

En mars, les services de renseignements militaires d'Alep ont emprisonné `Abdel Hafez `Abdel Rahman, qui appartenait à la direction d'une association (interdite) pour les droits de l'homme, MAF (“droits” en kurde) avec un autre militant de cette association, Nadera `Abdo. Les services secrets ont relâché  `Abdo alors que  `Abdel Rahman était jugé pour des actions visant à amputer le territoire syrien. Il est libéré sous caution depuis septembre. Son procès est en cours.

En avril 2010, les autorités ont enfin relâché sous caution l'écrivain et homme politique Ahmad Mustafa Ben Mohammad (connu sous le nom de Pir Rostem), qui avait été arrêté en novembre 2009 pour des articles publiés sur l'Internet (ainsi qu'une autre fois, en mars 2008). 

Les militants continuent de se voir refuser de sortir du pays. Ainsi Radeef Mustapha, à la tête du Comité kurde des droits de l'homme.  Par ailleurs, toutes les associations de défense des droits de l'homme sont interdites en Syrie, le gouvernement refusant systématiquement d'agréer leur enregistrement.

La politique syrienne est particulièrement sévère concernant les discriminations contre les Kurdes, qui sont en Syrie la plus grande minorité non-arabe. Parmi eux, plus de 300 000 kurdes sont privés arbitrairement de nationalité. L'expression de l'identité kurde est interdite ainsi que l'enseignement du kurde dans les écoles.

En mars 2010, les forces de sécurité ont tiré sur des Kurdes qui célébraient leur Nouvel An dans la ville de Raqqa, afin de les disperser, faisant au moins un mort. En juillet, 9 Kurdes accusés d'avoir participé aux célébrations de Raqqa ont été condamné à 4 mois de prison pour "incitation aux conflits sectaires".



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