mardi, août 03, 2010

Le Perdant radical : les collectifs de perdants locaux


Très peu de collectifs de perdants agissent à l'échelle mondiale jusqu'à présent, même s'ils peuvent déjà s'appuyer sur des flux financiers internationaux et sur des marchands d'armes. En revanche, il y a pléthore de groupes qui privatisent la guerre et dont les leaders sont appelés "commandants" ou "chefs de guerre". Leurs soi-disant milices et factions paramilitaires se parent volontiers du titre d'"organisation de libération" ou d'autres attributs révolutionnaires. Il y a des médias qui les désignent sous le nom de "rebelles", un euphémisme qui devrait les flatter. "Sentier lumineux", MLC, RCD, SPLA, ELA, LTTE, LRA, FNL, IRA, LIT, KACH, DHKP, FSLN, UVF, JKLF, ELN, AUC, FARC, PLF, GSPC, MILF, NPA, PKK, MODEL, JI, CPNML, UDA, GIA, RUF, LVF, SNM, ETA, NLA, FPLP, SPM, LET, ONLF, SSDF, PLJ, JEM, SLA, ANO, SPLMA, RAF, AUM, PGA, ADF, IBDA, ULFA, PLFM, ULFBV, ISYF, LURD, KLO, UPDS, NLFT, ATTF…– "de gauche" ou "de droite", c'est bonnet blanc et blanc bonnet. La plupart de ces factions armées se financent à travers le banditisme, le chantage et le trafic de drogue. Elles se présentent comme des armées,  se vantent de former des brigades et des commandos, essaient d'attirer l'attention en rédigeant des communiqués au ton bureaucratique et des revendications ampoulées, et se font passer pour les représentants d'hypothétiques masses. Puisqu'en tant que perdants radicaux ils sont persuadés  que leur vie n'a aucune valeur, celle des autres leur est également indifférente ; l'idée que la vie mérite d'être préservée leur est étrangère. Et peu importe qu'il s'agisse de leurs ennemis, de leurs partisans ou de personnes extérieures. Ils enlèvent et tuent de préférence ceux qui essaient de soulager la misère des zones qu'ils terrorisent, ils assassinent sauveteurs et médecins, et brûlent la dernière clinique de la région qui fournissait encore un service médical de base ; car ils ont du mal à distinguer mutilation et auto-mutilation.
En revanche, aucune de ces meutes n'a pu suivre le rythme de la mondialisation. C'est dans la logique des choses, dans la mesure où leur domaine est l'exploitation de conflits nationaux ou ethniques. Or, depuis l'effondrement de l'Union soviétique, même les groupes qui se réclament d'une tradition internationaliste ont perdu le relais de propagande et le soutien logistique que pouvait leur proposer une superpuissance. Sous la pression d'un capitaliste opérant à l'échelle globale, ils ont abandonné leurs fantasmes de conquête du monde et n'ambitionnent plus désormais que défendre les intérêts de leur clientèle locale.
Hans Magnus Enzensberger, Le Perdant radical, VII.

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