mardi, août 04, 2009

"Israël-Kurdes"

Certains Kurdes du sud ont décidément envie d'énerver Maliki et tous leurs bons voisins, qu'ils soient arabes ou persans. Dawud Baghestani, qui a dirigé le Comité des droits de l'homme au Kurdistan de 1994 à 1997, vient de lancer un mensuel à Erbil, nommé "Israël-Kurdes", dans lequel il invite les juifs du Kurdistan à revenir dans leurs montagnes ancestrales. Déjà que depuis 1967, toute tentative des Kurdes de se libérer du joug pesant des Irakiens est gentiment qualifié de "trahison sioniste envers la patrie arabe", déjà que l'an dernier, à Mossoul, circulaient des soi-disant rapports secrets faisant état de la volonté des Kurdes d'en chasser les chrétiens, ainsi qu'à Kirkouk (alors que curieusement, ce sont les chrétiens et les Kurdes qui fuient Mossoul et pas les Arabes nationalistes) afin d'y reloger les juifs, si en plus les Kurdes confirment, on n'a pas fini d'en entendre sur la trahison des Kurdes...

Mais en fait, tout ceci ne part que d'une bonne intention à l'égard des Palestiniens comme l'explique Dawud Baghestani à l'AFP :

"Les Juifs d'origine kurde sont très nombreux en Israël. Si la situation dans notre nouvel Irak fédéral et démocratique, et notamment au Kurdistan, se stabilise, beaucoup voudront revenir et cela réduira les colonies (juives) en Palestine" 5...) "Le problème palestinien a pour principale raison les mesures iniques prises par les régimes arabes qui ont conduit au départ d'1,5 million de Juifs. S'ils n'avaient pas été contraints à l'exode, les Palestiniens ne l'auraient pas été non plus".

Bon les islamistes kurdes râlent, mais comme ils viennent de se prendre une relative défaite électorale, ça ne va guère impressionner. Sinon on se demande pourquoi Obama et l'ONU ne font carrément pas appel aux Kurdes pour résoudre la question israélo-palestinienne, qui est pourtant simple, comme le démontre Baghestani :

"Si chaque Etat arabe fait revenir ses Juifs en leur rendant leurs biens, les réfugiés palestiniens pourront regagner leurs terres car Israël n'aura plus besoin d'un grand territoire."


CQFD.

Historiquement, les relations des tribus kurdes et des juifs du Kurdistan étaient semblables à celles des Kurdes et des chrétiens, c'est-à-dire des liens féodaux aghas-rayas, qui dépendaient donc surtout du bon vouloir du seigneur (Les Barzani étaient réputés pour être judéo-christianophiles, mais cette famille n'a jamais rien fait comme tout le monde).

Sur les juifs du Kurdistan, il y a eu, en publication française, l'ouvrage déjà ancien de Claudine Cohen, Grandir au quartier kurde :Rapports de générations et modèles culturels d'un groupe d'adolescents israéliens d'origine kurde (Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, 1975) que l'on trouve encore chez les bouquinistes, mais qui aborde surtout la vie des deuxième et troisième générations en Israël.

Mais l'étude magistrale est (en anglais) celle de Mordechai Zaken, qui retrace toute la mémoire et l'histoire de ces juifs du Kurdistan, jusqu'à leur départ en 1951, dans une fresque très vivante de l'ancienne société tribale kurde et enrichie de nombreux témoignages et récits des juifs kurdistani : Jewish Subjects and Their Tribal Chieftains in Kurdistan: A Study in Survival





... dont un chapitre (celui de l'exode) a été traduit et publié dans Etudes kurdes n° 7 sous le titre : "Juifs, Kurdes et Arabes entre 1941 et 1952" qui commence ainsi :

Jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, les relations entre musulmans et juifs au Kurdistan ne virent pas d'événement marquant. Les juifs que nous avons interrogés ont caractérisé leurs relations avec les Kurdes musulmans comme étant généralement bonnes. Le statut de ces juifs et leurs relations avec le voisinage étaient notablement meilleurs dans les villes d'Akra et de Zakho que dans les autres centres urbains kurdes. Les juifs de Zakho se rappellent avec une affection émue que le samedi, alors qu'ils rentraient chez eux, revenant de la synagogue où ils s'étaient rendus pour le Shabbat, ils devaient passer devant le café du coin. Les Kurdes musulmans, par respect pour les juifs, éteignaient alors leurs cigarettes. Ce souvenir est celui d'une époque révolue du Kurdistan, quand les relations entre juifs et musulmans étaient bonnes. L'émergence du mouvement sioniste et du nationalisme arabe au XXème siècle modifia la position des juifs dans les pays arabes. Ailleurs, un juif pouvait embrasser ou soutenir le sionisme sans être vu comme un traître par ses concitoyens. En Irak, les autorités considéraient le sionisme comme un mouvement anti-arabe et un juif sioniste était un traître aux yeux des Arabes nationalistes. Les relations entre les juifs et leurs voisins musulmans subirent une altération spectaculaire avec la création de l'Etat d'Israel.(...)..
Le numéro complet, Juifs, Kurdes, Assyro-Chaldéens - Errances et terres promises est téléchargeable en format pdf.






2 commentaires:

  1. Anonyme2:18 PM

    Et bien pourquoi pas... Je ne suis pas sûr que ça résoudrait le problème des palestiniens mais si on pouvait au moins aller au Kurdistan pour les vacances ça serait déjà pas mal. Je suis heureux de voir que le Kurdistan est de plus en plus indépendant de l'Iraq et de plus en plus démocratique. Lorsque le Kurdistan sera indépendant, je suis persuadé que "les vieux" en Israël voudront rentrer. Ce sont eux qui ont le plus la nostalgie du pays. Le plus urgent me semble-t-il, c'est de conserver en bon état le patrimoine des juifs du Kurdistan qui tombe en poussière depuis 50 ans!

    SD

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  2. Il doit rester certainement des maisons juives ou des synagogues dans des villes comme Erbil ou Suleymanieh (si la construction galopante les a épargnées). Mais dans les montagnes, les villages et les petites villes ont rarement échappées à l'Anfal qui les a rasés à 90 %. A Barzan, même les cimetières des trois communautés, musulmane, chrétienne et juive ont été détruits.

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Concert de soutien à l'Institut kurde