vendredi, juillet 03, 2009

De l'Âme et des corps

Plotin défend l'idée selon laquelle plusieurs âmes peuvent provenir d'une seule et même âme. En vertu de son incorporéité, une âme unique peut se trouver en plusieurs choses à la fois. Cette unité reste en elle-même, mais une pluralité naît d'elle.

chaque corps s'avance vers l'âme et reçoit d'elle la part d'intelligible qu'il est en mesure de supporter. Plotin introduit ici un axiome capital tant pour sa théorie de la participation que pour toute sa doctrine de la procession : ce qui participe d'une chose ne peut recevoir qu'imparfaitement la puissance de son modèle et n'en reçoit que ce qu'il peut en prendre.

(Comme dit Eckhart dans le commentaire au Grain de sénevé :

Le Premier être au contraire laisse ruisseler ses bontés sur toutes choses en un seul et unique flot.Si elles se distinguent ensuite, cela tient à la qualité des récepteurs.)

L'Âme n'est donc pas responsable de la division des corps : ce sont les corps qui s'approchent et qui reçoivent chacun l'âme qu'ils peuvent recevoir, même si l'Âme entière leur est présente. Chaque corps étant différent, il reçoit de l'Âme une âme différente de celle que reçoit un autre corps.

Pour Avicenne aussi, c'est le corps qui individualise l'âme :

Selon cette norme, lorsqu'un réceptacle corporel y est devenu apte sous l'action des Sphères célestes, l'Ange "Dator formarum" y infuse une âme pensante qui devient alors numériquement différente des autres. En bref l'âme humaine ne reçoit son individualité que par le fait de son union avec le corps, et cette individuation est le "service" que le corps rend à l'âme."
Avicenne et le récit visionnaire, Henry Corbin ; chap. II : Avicennisme et angélologie : Pédagogie angélique et individuation.

Pour Al-Basrî, le corps a été "fait" pour l'âme qui vient l'emplir :

Le corps de cet individu a été formé ici-bas à partir des quatre éléments, par les facultés de la Nature utilisant pour cela le mouvement des sphères célestes et des astres et planètes par lesquels sont transmis les archétypes ; dès que le corps élémentaire de l'embryon est formé, l'âme de l'individu, qui n'est encore que "faculté végétative", s'est unie à lui ; puis sous son action et celle de la Nature, le corps se développe, ses formes propres étant fonction des influences qu'il a reçues successivement des sept sphères des planètes, par le canal de la sphère de la lune (une forme donnée, dans une partie du corps, y permet l'installation d'une faculté psychique qui l'animera). Or de toute éternité, ces formes corporelles étaient prévues pour correspondre aux facultés de l'âme de cet individu, facultés que l'âme tient (et continue à tenir) de son archétype. Il y a donc entre l'âme et le corps d'un individu une "parenté originelle", un "lien de sympathie.

La grosse différence avec Plotin est surtout l'amour entre corps et âme. Pour Plotin, le corps est amoureux de l'Âme, comme un amant posté au seuil du Bien-Aimé, sans réciprocité apparente. les corps sont attirés par l'Âme et cherchent à la rejoindre, alors que chez les deux musulmans, l'Âme descend vers le corps qui lui correspond. Du coup, l'idée d'un amour de l'âme pour le corps est aussi formulée. Comme le dit Al-Basrî,

Cette [spiritualité]est maintenue dans ce corps par une affinité, une parenté ancienne et un lien d'affection ;
"Il existe entre elle et lui un amour étrange, un commerce solide, qui ne sauraient en aucun cas prendre fin

Ta'iyya de Amir b. Amir Al-Basri.

Plotin, traités : Tome 3, 22-26



Donatello, 1447-50, basilique Saint-Antoine de Padoue
En disant que la vertu est une harmonie et le vice un manque d'harmonie, ne soutiendrons-nous pas une opinion acceptée des anciens et, surtout, un raisonnement nous faisant avancer insensiblement vers ce que nous recherchons ? Si en effet la vertu n'est que l'accord des parties de l'âme les unes avec les autres, accord conforme à la nature, et que le vice [10] manque de cette harmonie, il n'y aura rien qui vient s'ajouter, ni qui vient d'autre chose, mais chaque partie vient en quelque sorte, telle qu'elle est, s'ajouter aux autres, et elle n'y vient pas, quand l'harmonie fait défaut. C'est comme des choreutes qui dansent et qui chantent ensemble, même si c'est à tour de rôle, chacun chantant alors que les autres se taisent, [15] et chacun chantant sa partie ; il faut non seulement chanter ensemble, mais encore que chacun chante sa partie avec le talent requis en chantant avec son propre talent artistique. Dès lors, dans le cas de l'âme aussi, il y a harmonie quand chaque partie réalise la fonction qui lui revient. Il faut assurément qu'avant l'harmonie de l'âme il y ait une vertu pour chaque faculté, et de même, à l'inverse, [20] un vice qui précède le manque d'harmonie des parties en elles. (26, III, 6, 2).


Ribera, 1642, Louvre.


14. Quoi donc ? S'il n'y avait pas de matière, rien n'existerait ?
- Non, de même qu'il n'y aurait pas de reflet, s'il n'y avait pas de miroir ou de surface de cette sorte. Ce, en effet, dont la nature est de venir à l'être si cette autre chose n'existe pas ; telle est en effet la nature d'une image qui ne peut exister qu'en autre chose. Assurément si quelque chose s'échappait [5] des êtres producteurs, cela existerait sans en être autre chose. Mais puisque les réalités de là-bas demeurent en elles-mêmes, puisqu'elles connaissent une manifestation d'elles en autre chose, il faut qu'il existe un autre terme qui leur serve de "siège", sans qu'elles y viennent vraiment. Cet autre terme, par sa présence et son audace, son état en quelque sorte de mendicité et de pauvreté, manifeste une sorte de violence en tentant de saisir quelque chose, et de trahison en ne saisissant rien, de telle sorte que sa pauvreté demeure [10] et qu'elle continue à mendier. A cause de cette attitude de rapace, le mythe fait d'elle une mendiante, en montrant ainsi sa vraie nature, qui est d'être privée du bien. Un mendiant ne demande pas précisément ce que celui qui donne a, mais il se réjouit de ce bien obtient, ce qui nous conduit à dire que ce mythe montre que ce qui apparaît dans la matière est différent des êtres réels et son nom (Pauvreté) montre qu'elle n'est pas [15] remplie par eux. 

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