mardi, novembre 25, 2008

"Sarhank" Ibn Abî Mançûr

Bibliothèque de l'Escurial, Madrid

ça et là, dans les Mémoires d'Ousamâ, surgissent quelques "chevaliers" kurdes, combattants dont nous ne savons que le nom, mais qui parfois avaient eu une renommée en leur temps, surtout par leurs exploits guerriers. Ainsi de ce "Sarhank" (lire Serheng, l'équivalent de Serdar, commandant militaire) qui fit pleurer le seigneur de Hama, dans un des énièmes affrontements entre musulmans, qui avant Saladin (et après lui), passaient autant de temps à se taper entre eux qu'à se battre contre les Francs :
"Je parlerai, par exemple, comme de choses que j'ai pu voir, du point d'honneur du chevalier qui le fait se porter au-devant du danger. Il y avait rencontre entre nous et Chihâb ad-Dîn Mah'mûd Ibn Qarajâ, alors seigneur de Hama. La guerre qui nous opposait ne se donnait nulle relâche, les détachements étaient toujours sur pied et la charge était de règle entre les plus fougueux. Je vis venir à moi un homme, l'un de nos soldats, de nos cavaliers les plus remarqués, nommé Jum'a, des Banû Numayr. Il était en larmes. "Qu'as-tu donc, Abû Mah'mûd ? demandai-je. Est-ce bien le moment de pleurer ? - J'ai reçu, me répondit-il, un coup de lance de Sarkhan Ibn Abî Mançûr. - Bon, Sarhank t'a frappé. Et après ? - Après, rien, sauf que j'aie pu être frappé par quelqu'un comme Sarhank. Par Dieu, la mort m'eût été plus légère que d'être frappé par lui. Mais c'est qu'il m'a pris par mégarde, à l'improviste. " J'entrepris de le calmer et ne minimiser l'affaire à ses yeux, mais lui de faire volte-face, en ramenant en arrière la tête de son cheval. "Où vas-tu, Abû Mah'mûd ? m'écriai-je. - A Sarhank et, par Dieu, je le frapperai de ma lance, ou alors, que je meure si je n'y parviens pas !" Il disparut un moment, cependant que j'étais occupé avec les gens d'en face. Puis il revint en riant. "Qu'as-tu fait ? demandai-je. - Je l'ai frappé, par Dieu ! Sinon, mon âme m'aurait quitté." Il avait en effet chargé Sarhank qui se trouvait avec ses compagnons, l'avait frappé, puis s'en était revenu. A croire que ces vers aient voulu parler de Jum'a et de Sarhank :

Tu n'imaginais pas, si grande est ta vaillance,
Un ennemi si fort assoiffé de vengeance,
A qui l'honneur du nom interdit tout repos.
De l'homme réveillé ton repos n'a que faire,
Mais lui ne s'endort point : tu nourris sa colère,
Et comment dormirait un homme en ce propos ?
Si la chance, qui sait ? un jour, par aventure,
Tourne pour lui, il te fera bonne mesure.

Ce Sarhank, un chef des Kurdes, comptait parmi les chevaliers les plus illustres, mais il était jeune, tandis que Jum'a, homme mûr, avait pour lui cette qualité à part que donne l'âge, et un courage plus confirmé."
Usâma rementionne plus loin dans ses souvenirs ce Sarhank en face de ses troupes, avec les autres "cavaliers de l'armée de Hama : Ghâzî at-Tallî, Mah'mûd Ibn Baldâjî, H'ad'r aat'T'ût' et le généralissime Khut'lukh. Ils étaient supérieurs en nombre, mais nous les char^geâmes et les fîmes reculer."
Des Enseignements de la vie. Souvenirs d'un gentilhomme syrien du temps des Croisades, II, Tout arrive quand et comment le destin l'a voulu, Ousamâ Ibn Munqidh, trad. André Miquel.

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