jeudi, janvier 03, 2008

Tough guys

Abu Bakr al-Razî, plus connu en Occident sous le nom de Rhazès, fut un médecin persan, né et mort à Rayy en 854 et mort en 932. Il fut un très grand médecin, spécialiste et fan de Galien, s'opposant à Hippocrate, praticien intelligent et dépourvu de préjugés, mais piètre philosophe selon son collègue Abû Alî ibn Sîna (notre Avicenne), qui ne devait pas apprécié son anti-aristotélicisme.

On lui doit notamment la découverte et description clinique de la rougeole et de la variole. El Arbi Moubachir, son traducteur, le situe, dansune formule assez drôle, dans ses foi et ses convictions politiques, comme un "zaydite-daylamite, position de juste milieu entre les hanafites de l'extrême-droite et les qarmato-fatimides de l'extrême-gauche." Le Zaydisme fut, disons un chiisme modéré dans son opposition au califat sunnite.

Dans son al-Murshid (Guide), au passage "De la Nature", où il étudie les effets de cette dernière sur l'organisme et les malades, il cite en exemple deux groupes qui visiblement ont peu affaire à ses pratiques et s'en trouvent fort bien :

"La Nature combat, attaque les maladies et aboutit à leur résorption. Quand elle dépasse la maladie, il n'est pas besoin de l'aide du médecin. C'est pour cela que les peuples qui ont peu recours à la médecine, tels les Kurdes, et les Bédouins, échappent à beaucoup de maladies."

Un peu auparavant, sur le régime que le médecin doit imposer au malade, et notamment certains aliments qu'il doit lui restreindre, même contre son désir, il met particulièrement en garde le médecin contre trois sortes de malades "irresponsables"avec qui il faut composer et ruser : "Ne refuse rien brutalement de ce qu'ils désirent aux fous, aux enfants et aux rois, mais diffère-le, fais-le leur espérer, en donnant l'infime. Ne les habitue pas à une grande quantité. Découvre le mal de ce qui est gâté et fais-leur peur quand ils prennent une grande quantité (de ce qu'ils désirent), sinon tu les pousseras à en manger beaucoup en cachette."

"La santé, ce sont les provisions du voyage, la maladie, la route."

La santé n'est plus l'être, et par conséquent quelque chose de très lointain de la maladie, son contraire. Le lien qui unit la réalité et la représentation est rompu. La santé est un stock d'informations soumis aux fluctuations de l'échange, c'est-à-dire de la rareté et de l'abondance. Râzî installe la maladie dans la santé, de même qu'autrefois, scandalisant Protagoras, Démocrite a placé le vide dans la pensée. Les provisions d'attente existent en nombre infini, pour répondre aux infinités de la vie organique en transformation. Dans la santé, on tient compte de l'épuisement progressif des potentialités de vie, mais aussi des vertus plastiques et réparatrices de la Nature. Si la maladie est la route, la route en l'occurence est le désert, un chemin rude dans la solitude où la souffrance est double : faim et soif, solide et liquide manquant dans les dunes de la mort. La maladie est essentiellement distance. Distance entre l'organe et sa fonction, distance entre la douleur et sa disparition, distance entre le malade et son propre corps. Bref, elle est un exil : le malade est loin de ses organes, il est distancié par eux s'il arrive que la dépense excède la restitution du stock."
El-Arbi Moubachir, Préliminaires au Le guide du médecin nomade, Abû Bakr Muhammad ibn Zakarya al-Râzî.



Râzî laisse entendre qu'il n'est pas mauvais de s'enivrer une fois ou deux par mois. Au-delà, c'est déconseillé. La dose médicale, en somme.


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