jeudi, mai 17, 2007

Zaxo et Amedi

AMEDI EST LA PLUS BELLE VILLE DU BAHDINAN COMME J AI OUBLIE LES PHOTOS DE LA PORTE CE SERA POUR PLUS TARD
en face frontiere turque avec la vigilante armee de la republique ; puis le village chaldeen ; et derriere le pkk.




je me sais pas ce qu ils font aux coquelicots mais ils sont d un rouge dix fois plus intense qu en europe et en plus il y en a des cha;pes entiers en mai. D ailleurs pour dire coquelicots on dit fleur de mai





Toute la richesse et le malheur du pays en une photo :eau, verdure, montagne, terre fertile et petrole qui fume derriere



les troupeaux de chevres au Kurdistan c est pas de la frime ca court de partout quand on en croise un




Arrivée à Zakho une heure après. Evidemment, Ephrem nous avait seulement dit d’aller voir son cousin à Zakho. Heureusement que j’avais pensé à demander son nom. Le problème c’est que je ne sais pas dire évêque en kurde, et d’ailleurs je ne crois pas qu’ils aient un mot pour ça, et en araméen je sais pas non plus. Bon, on cherche un hôtel, on en trouve un, le Sham, pas cher du tout et correct. A la réception, j’explique qui on veut voir, mais comment dire qu’on cherche un évêque si on ne sait pas dire évêque ni où se trouve l’évêché ? Je mime église (kinis) chef d’église, à la fin le réceptionniste comprend (mais lui non plus ne sait pas le mot) : il mime une longue barbe de père noël, et une croix sur la poitrine. Voilà. (par ailleurs les prêtres chaldéens n’ont pas des barbes de pope, mais alors pas du tout). On nous fait conduire à l’évêché, et là on apprend que Mar Patros officie à l’église Abbasi. Pas de problème on l’attend. Et installées sur les marches, on sirote un thé en fumant, comme si on avait toute la vie devant nous, tout en bavardant avec les chrétiens, qui, je le dis ici, s’ils sont kurdistani, sont finalement très gentils, et toujours ravis d’entendre parler kurde, rien à voir avec les cons d’Ankawa. A la fin, le chauffeur vient nous chercher en disant que Mar Patros demande à nous voir à Abassi. Et hop en route pour l’église. Dans le jardin, le Monseigneur nous regarde arrivé, un peu surpris : « mais qui êtes-vous ? » « Nous sommes des amies d’Ephrem, réponds-je la bouche en cœur. » « Ah alors, c’est bien, je vous embrasse. » Et voilà on s’installe avec des prêtres et de vieux chrétiens (habillés comme des Kurdes et avec les mêmes tesbih qu’eux. Pas facile de les reconnaître, sauf que les chrétiens ont souvent des yeux bleus quand ils sont clairs, alors que les yeux clairs des Kurdes tirent sur le gris vert irréel. On discute des églises et des lieux intéressants à visiter et il nous emmène voir tout de suite une église, près de Zakho, qui avait été désaffecté et autour de laquelle des maisons de musulmans avaient été construites. Aujourd’hui le gouvernement kurde, dans son programme de réhabilitation et de reconstructions des villages et des églises chrétiennes de la région, a fait rasé les maisons autour, restaure l’église et rebâtit des habitations dans le quartier où les chrétiens peuvent reloger. La reconstruction et la renaissance des villages chrétiens et églises détruits par Saddam est une des principales occupation de Mar Patros, en tout cas de celles qui lui tiennent à cœur. Naturellement, dans l’église, le portable resonne : Pîr Xidir veut savoir si on a atteint Zakho et où on est et avec qui. Entre le Pir yézidi et l’évêque, ça va on est encadré.



Quand on finit la visite, Mar Patros me dit comme une évidence « Bon vous avez laissé vos sacs à l’évêché ? » « Ah non, à l’hôtel. » Il s’arrête, sidéré : « vous ne voulez pas venir chez moi ? » Je lève les mains au ciel « bah on n’a rien contre, mais on ne savait pas où c’était et puis on ne se connaissait pas, on n’allait pas débarquer comme ça » Visiblement il capte pas qu’on soit juste passer lui transmettre le bonjour d’Ephrem et lui demander quelques renseignements sur les lieux chrétiens. Ça doit être la première fois qu’on lui fait le coup. C’est vrai que beaucoup de Français ne cherchent qu’une chose ici : se faire héberger gratuitement chez les uns ou chez les autres, sans même connaître les gens chez qui ils s’incrustent. Le Routard mal élevé dans toute sa splendeur, quoi. Or j’ai horreur de ça. Ça fait vraiment Bwana Bobo au Bougnoulistan, qui s’impose chez des indigènes trop contents de les recevoir, après tout ce qu’ils font pour eux. Bon ok, les nôtres ne comprennent pas, et pensent qu’on les snobent, et après il faut les consoler en jurant qu’on passe juste UNE nuit à l’hôtel et qu’on arrive ensuite. (de toute façon après faut les reconsoler du départ auquel ils ne semblent jamais penser).

On dîne quand même à l’évêché, un très beau bâtiment, tout neuf, confortable, dont la construction est un cadeau du gouvernement à l’occasion de la nomination de Mar Patros à son épiscopat. Il faut dire qu’il a passé quelques mois dans les montagnes en 74, a connu Mollah Mustafa, Idriss et Massoud du temps où ce dernier était tout jeunot. Et l’arabisation forcée, ça ne les branchait pas du tout, mais alors pas du tout. Le repas a été agréable, mais très arrosé. Disons que jusqu’à la première bouteille de Chivas (à 3) ça allait, mais que peu après l’ouverture de la deuxième, je ne me souviens plus du tout de rien. Ce qui ne m’est jamais arrivée (de ne plus me souvenir, pas d’être torchée). Bon Roxane m’a jurée que ça n’a pas été trop catastrophique, qu’il fallait juste me tenir par la main pour que je marche droit, et qu’il a fallu consoler Mar Patros de ce qu’on le plaque pour cette nuit en jurant de revenir demain.

Ce qui n’a pas traîné. Dès le lendemain, à peine avais-je ouvert un œil en me demandant comment j’étais arrivée à l’hôtel Sham, à peine levées, et attablées devant le petit-dej du Sham le chauffeur de l’évêque arrive pour nous récupérer. Raaah on va pas se sauver. Tout en déjeunant on bavarde avec les gens de l’hôtel, des jeunes, qui nous apprennent qu’ils sont Yézidis et nous disent tout de suite qu’ils ont le droit de se marier avec des chrétiennes. Des musulmanes, non, mais des chrétiennes, tout à fait. C’est bizarre, ça contredit tout ce que les Yézidologues, voire les Yézidis disent eux-mêmes, c’est dingue comme les mœurs évoluent vite dans le coin. Ou alors les yézidologues ne racontent que des conneries, ce qui n’est pas à exclure.

On finit par débarquer à l’évêché. Et toute la journée, visite de villages chrétiens en construction, aidée financièrement par le gouvernement. Dans le premier, les chrétiens avaient été chassés, et des maisons alignées, jaunes et roses au bord de la route, avaient été bâties à l’origine pour des colons arabes, installés ici (de gré ou de force je ne sais) par Saddam, pour arabiser le Kurdistan. Maintenant les villages reprennent peu à peu leur aspect antérieur : un village chrétien, plus loin un yézidi, ou plus loin un musulman, bref le même village mais séparés par confessions.

L’église de Pesh Khabur datait de 1400 et il n’y a plus qu’une crypte. Comme les villages, les élises sont neuves, les anciennes ayan été toutes rasées dans l’Anfal. Et bref Mar Patros patrouille et surveille les travaux, soutient les maires attachés à faire revivre leur terre. Evidemment c’est ce que de l’autre côté il faudrait faire avec les villages kurdes de Turquie, mais la différence est que au nord, l’Etat dans lequel vivent les Kurdes est toujours celui qui a brûlé les villages, et quant aux chrétiens, ils vont se faire voir, même si ce n’était pas vraiment leur guerre. Rien que du point de vue des soutiens aux minorités l’écart entre les politiques est stupéfiant.

Cela fait aussi une belle ballade dans la montagne, magnifique au mois de mai (Gulan). Arbres, verdure, coquelicots, pétrole et eau, voilà bien un résumé du Kurdistan et comme dit Mar Patros, « c’est cette richesse qui est aussi notre malheur. » On est allé jusqu’à la frontière turque, au pied de l’ancien village de Sanate, qui lui était dans la montagne et a été rasé et vidé par l’armée irakienne parce que près de la frontière. Le PKK est aussi dans ces montagnes et on en a d’ailleurs vu un qui se promenait sur la route, en tenue de guerilla. Mais il semble qu’ils n’embêtent plus les villageois, comme c’était le cas il y a 10 ans.

Les chrétiens kurdistanî sont marrants, parlant entre eux le syriaque et aussi le kurde, toujours très content que je le parle, comme si c’était aussi leur langue. D’ailleurs entre un vieux Kurde en tenue et keffieh et un chrétien habillé pareil, à part la croix ou bien le fait qu’ils baisent la main de l’évêque, pour les distinguer…

Aujourd’hui, c’était l’inauguration d’une église qui venait tout juste d’être rebâti. Avant cela, petit-déjeuner, où comme toujours peu réveillée avant 10 h je me laisse tomber sur ma chaise alors que le benedicite commence. Je me relève d’un bond, tandis que Roxane se marre, vu que la veille au dîner elle avait fait pareil et que je m’étais fichue d’elle. Elle me tire la langue en faisant nana nère, je luis réponds de même, tandis que Mar Patros, imperturbable, yeux baissés, continue sa prière.

Le village chrétien était à quelques centaines de mètres du village yézidi qui lui même n’était pas loin des Musulmans. Tout se rééquilibre, quoi, sauf quand des associations financées par La Mecque, comme par hasard, se dépêche de financer la reconstruction et l’installation de musulmans sur des emplacements chrétiens. C’est d’ailleurs drôle d’entendre, à Zakho, vers 17 h, l’appel à la prière des musulmans relayé par les cloches des églises qui appellent aux vêpres.

Donc messe d’inauguration de l’église dédiée à la Vierge protectrice des Semences (ça a un côté païen rigolo). Messe en araméen, avec deux prêtres venus de Duhok, chœur de filles, et récitant. Les messes syriaques sont jolies, bien chantées mais sans musique, car c’est mal vu (tout comme en islam). A la fin, un des prêtres passe dans les rangs et propose la communion. Passant devant nous il tend l’hostie d’une façon décontractée, comme s’il proposait un cheese-burger : « You want ? » On refuse en se marrant. A la sortie, Mar Patros nous demande si on a communié : « Euh on avait déjeuné ce matin. » Il me regarde comme si vraiment j’exagérais : « Mais trois heures après, c’est passé, voyons ! » Ben tiens. Il confond pas avec la piscine ? En plus Roxane fait remarquer qu’elle n’est pas baptisée. Il s’exclame : « Tu n’es pas baptisée !? (genre « ta mère a oublié ?) Mais je peux le faire, c’est très facile ! » « Euh… on s’est pas confessée non plus », fais-je remarquer en m’amusant de plus en plus. Ultime objection balayée, toujours sur le mode « n’en fais pas trop » : « Oh, c’est rien ça aussi c’est rapide ! » Etant donné que la dernière fois que je suis allée à confesse j’avais neuf ans, ça doit sûrement prendre plus que cinq minutes, mais ça c’était comme à Lalish l’an dernier avec Wadî : faut tout faire comme eux, faire partie de la famille, quoi. Probable que la prochaine fois, on n’y coupera pas.

Demain départ pour Amadiya et pour Salahaddin, itinéraire que j’ai déjà smsé au Pîr lequel s’est fait confirmer l’info par téléphone, histoire qu’on ne s’égare pas, sans doute. Le soir, pique nique dans le bureau de Mar Patros, sur ses tables de salon, avec brochettes de porcs rôties au feu de cheminée, du coup c’est lui qui en oublie le benedicite, ou alors ça ne compte quand ce n’est pas vraiment sur une table. On rediscute de la journée et du programme de financement des chrétiens. Mar Patros, de façon très lucide, critique le surinvestissement sur les chrétiens, au détrimen t des autres. Pourquoi ne pas donner autant à un Yézidi ou un musulman ? Bien sûr, il y a les lobbies chrétiens de « l’extérieur » qui poussent à cela, et peuvent aussi donner des fonds, mais c’est une erreur qui témoigne d’une vision étatique déficiente, en tout cas à courte vue : d’abord cela peut créer des conflits et des jalousies entre les communautés (tout comme à la fin de l’empire ottoman les Puissances qui favorisaient systématiquement les chrétiens) et en plus c’est idiot de laisser la voie libre aux Wahabites pour financer les musulmans. La discrimination positive, c’est décidément très dangereux. Les medias aussi poussent à cela, comme je le dis, quand un paysan kurde musulman se bat avec un autre pour une histoire de chèvre ou de bornes de champs, cela ne fait même pas un fait divers. Quand un paysan kurde fait la même chose avec un chrétien ou un yézidi, c’est tout de suite une attaque musulmane contre les minorités.

Excursion à Amadiya, longue et onéreuse, plus on approche de Barzan plus les prix grimpent, on dirait. Avant d’entrer à Amadiya, contrôle de peshmerga, et là on tombe sur un tâtillon, pas méchant mais procédurier dans le genre n’importe quoi. Pourquoi diable n’aurait-il pas le droit de laisser passer des touristes à Amadiya ? Je lui réponds du tac au tac en kurde, et il veut absolulement que je travaille pour le GRK. Finalement il veut faire ouvrir les valises. Nous descendons, j’ouvre la mienne, il donne l’ordre à un jeune peshmerga de fouiller. Pas de bol, la première chose que le gamin fait tomber sur la route, c’est une de mes petites culottes (et c’était dans la partie linge même pas propre). Roxane et moi pouffons de rire, tandis que le jeune qui aura du maol à s’en remettre répare les dégâts. C’est alors que le gradé remarque la lettre que j’ai en main (celle de Saywan) et tout de suite s’exclame que c’était cela qu’il voulait pourquoi ne l’avais-je pas dit plus tôt ? (parce que je suis tête delard, parfois…) Je lève les yeux au ciel et m’exclame : « mais c’est la Turquie ici ou le Kurdistan ? » Ils protestent que c’est le Kurdistan. « Et elle est où la liberté ? »


En fait je suis injuste avec la Turquie. JAMAIS un soldat turc ou un keuf ne commettrait l’erreur de plonger étourdiment la main dans une valise de femme. Dès qu’ils sentent du linge ou des trucs un peu mou ils stoppent net. A la rigueur ils nous demandent de déballer les affaires nous-même et battent en retraite illico dès qu’on commence obligeamment par les sius-vêtements. Ils en ont encore à apprendre, les peshmergas.

Visite à Amadiya très belle, entourée de montagnes superbes, plus sèches, plus pierreuses et plus hautes qu’autour de Zakho. Mais quel racket à touristes ! UN motel crade (selon mes souvenirs plus anciens et ceux de Roxane plus récents) pour 80$ et un tarif de 120$ pour gagner Salahaddin par la route de Barzan. Tous avancent le prix de l’essence mais comme elle est à 0.50 euros on se demande sur quelle base ils calculent vraiment. Tant pis pour Barzan et la tombe de Mollah Mustafa on s’en passera et on décide de revenir à Duhok. Je resms Pir Xidir en me disant que sa suggestion initiale de rayonner à partir de Duhok et qu’il nous emmènerait à Amadiya n’était peut-être pas si mauvaise. En posant nos bagages au Centre Lalesh, j’ai l’impression d’être une écolière fugueuse de retour après avoir épuisé tout son argent de poche et les choco BN pour la route. Nous voilà donc à l’hôtel Hallal grâce aux bons soins du Pîr et on va passer encore un peu de temps avec les Yézidis. Faut croire que les Yézidis sont très forts en magie chamanique. Ces derniers temps j’ai l’impression d’un élastique qui nous attire à Duhok, inlassablement.

PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT

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