Du lundi 3 au vendredi 7 avril, à 6h00, sur France Culture : L'éloge du savoir. Langues et religions indo-iraniennes. Questions actuelles de philologie et de religion zoroastriennes. Cours de Jean Kellens.
mercredi, mars 29, 2006
mardi, mars 28, 2006
Turquie d'Asie, Anatolie, Kurdistan
Toujours intéressant de fouiner dans les vieux dictionnaires d'histoire et de géographie. Ainsi le Bouillet (éd. 1880), à l'entrée "Anatolie" en parle comme une portion de l'Asie mineure :
"L'Anatolie, après avoir longtemps formé un seul pachalik, dont Koutayeh (Kütahya) était la capitale, est aujourd'hui divisée en 11 eyalets : Trébisonde, Kastamouni, Kodavenkiar, Biga, Angora (Ankara), Faroukhan, Aïdin, Karaman (Caramanie), Adana, Marach, Sivas."
Le Kourdistan est, selon le même Bouillet, une région d'Asie, divisée en Kourdistan turc et Kourdistan persique.
Le Kourdistan turc (partie de l'ancienne Assyrie avec la Gordyène et le pays des Carduques), contrée de la Turquie d'Asie, entre l'Arménie, l'Aldjézireh, l'Irak arabi et la Perse, forme les pachaliks de Chehrezour et de Mossoul et une partie de ceux de Baghdad et de Van."
Le Kourdistan persique (partie de l'ancienne Médie) province de Perse, entre l'Aderbaidjan, l'Irak adjémi, le Khousistan et le Kourdistan turc, 400 000 h.; chef lieu Kirmanchah."
Quant aux Kurdes ils sont ainsi décrits : "KOURDES, Curdi, Gordyaei, Carduci, peuple de l'Asie, habite dans les montagnes à l'est du Tigre, au sud des lacs de Van et d'Ourmiah, le pays appelé de son nom, Kourdistan. Ils sont laertes, braves et pillards. Ils ont toujours été libres ; toutefois ils sont nominalement compris dans l'empire turc et dans l'empire perse. Presque tous sont musulmans sunnites; quelques-uns sont nestoriens. On les croit descendus des anciens Chaldéens et des Parthes."
Quant à la Turquie, elle est pour le Bouillet synonyme de l'empire ottoman, et donc appelée "un des plus vastes états du globe". La Turquie d'Asie est divisée en 6 grandes régions : Anatolie, Arménie, Kourdistan, Aldjézireh ou Mésopotamie, Irak-Arabi, Syrie. Parmi les 21 eyalets qui la divisent, on compte celui "d'Erzeroum (Arménie), Van (Assyrie), Kourdistan ou Diarbékir (Mésopotamie septentrionale), Schehrzor (Assyrie orientale)."
Autres temps, autres frontières, Sharaf Kkan de Bitlis, dans son Histoire des princes kurdes, donnait au XVI° siècle, les limites géographiques suivantes au Kurdistan :
La frontière et les territoires du pays des Kurdes, dont le nom est Kurdistân, commence au bord de la mer d'Hormuz - qui se jette dans l'Océan Indien ? et de là, il trace une ligne droite jusqu'à la région de Malâtya et de Mara'sh. Le Fars, l'Irâk perse, l'Azerbaydjan, la Petite et la Grande Arménie sont au nord de cette ligne. L'Irâk arabe, Mossoul et Diyârbakir sont au sud de cette frontière.
Et je ne parle pas de l'imprécision du Bilad al Akrad ou Zûzan des géographes médiévaux...
Extrait du prochain Hors-série d'Etudes kurdes, Saladin et les Kurdes de Boris James (à paraître bientôt) dans la partie Kurdistan, Zûzân al-Akrad :
L'auteur fait d'abord mention de la province du Kordestân, créé par le sultan seldjoukide d'Iran Sandjar, avec "Bahar pour capitale, les régions autour de Dînawar, Hamadân, Kermânsâh (Qirmisîn), Sinna (l'actuel Sanandadj)... (...) On constate que malgré l'attribution d'un tel nom à cette région, la ville de Hamadan, par exemple ne paraît pas peuplée majoritairement de Kurdes à l'époque de Saladin."
Sur le Bilâd al-Akrâd (Pays des Kurdes en arabe), il n'y a pas de description précise des limites et emplacements, même s'il est attesté sous la plume des géographes et historiens, tel al-Isafahanî, al-Sh'aranî (qui indique que Hisn Kayfâ, soit Hasankeyf est dans le Pays kurde).
Le Zûzân (Zozan=alpage en kurde) est encore plus imprécis : "ensemble géographique habité par des Kurdes et des Arméniens". Selon Yaqût al-Hamwî : "C'est une région située au centre des montagnes arméniennes entre Akhlat, l'Azerbaydjân, le Diyar Bâkr et Mossoul. Ses habitants sont Arméniens (Ahlulâ Arman) ; il y a aussi des groupes kurdes (wa fîhâ tawaîf min al-Akrâd)." Ibn al-Athîr dit : "Le Zûzân est une région étendue de l'est du Tigre à la Djézireh. Il commence à deux jours de Mossoul et s'étend jusqu'aux limites du districts de Salmâs. Il y a là de nombreuses citadelles, toutes tenues par les Kurdes bashnawiya et bukhtiya."
"L'Anatolie, après avoir longtemps formé un seul pachalik, dont Koutayeh (Kütahya) était la capitale, est aujourd'hui divisée en 11 eyalets : Trébisonde, Kastamouni, Kodavenkiar, Biga, Angora (Ankara), Faroukhan, Aïdin, Karaman (Caramanie), Adana, Marach, Sivas."
Le Kourdistan est, selon le même Bouillet, une région d'Asie, divisée en Kourdistan turc et Kourdistan persique.
Le Kourdistan turc (partie de l'ancienne Assyrie avec la Gordyène et le pays des Carduques), contrée de la Turquie d'Asie, entre l'Arménie, l'Aldjézireh, l'Irak arabi et la Perse, forme les pachaliks de Chehrezour et de Mossoul et une partie de ceux de Baghdad et de Van."
Le Kourdistan persique (partie de l'ancienne Médie) province de Perse, entre l'Aderbaidjan, l'Irak adjémi, le Khousistan et le Kourdistan turc, 400 000 h.; chef lieu Kirmanchah."
Quant aux Kurdes ils sont ainsi décrits : "KOURDES, Curdi, Gordyaei, Carduci, peuple de l'Asie, habite dans les montagnes à l'est du Tigre, au sud des lacs de Van et d'Ourmiah, le pays appelé de son nom, Kourdistan. Ils sont laertes, braves et pillards. Ils ont toujours été libres ; toutefois ils sont nominalement compris dans l'empire turc et dans l'empire perse. Presque tous sont musulmans sunnites; quelques-uns sont nestoriens. On les croit descendus des anciens Chaldéens et des Parthes."
Quant à la Turquie, elle est pour le Bouillet synonyme de l'empire ottoman, et donc appelée "un des plus vastes états du globe". La Turquie d'Asie est divisée en 6 grandes régions : Anatolie, Arménie, Kourdistan, Aldjézireh ou Mésopotamie, Irak-Arabi, Syrie. Parmi les 21 eyalets qui la divisent, on compte celui "d'Erzeroum (Arménie), Van (Assyrie), Kourdistan ou Diarbékir (Mésopotamie septentrionale), Schehrzor (Assyrie orientale)."
Autres temps, autres frontières, Sharaf Kkan de Bitlis, dans son Histoire des princes kurdes, donnait au XVI° siècle, les limites géographiques suivantes au Kurdistan :
La frontière et les territoires du pays des Kurdes, dont le nom est Kurdistân, commence au bord de la mer d'Hormuz - qui se jette dans l'Océan Indien ? et de là, il trace une ligne droite jusqu'à la région de Malâtya et de Mara'sh. Le Fars, l'Irâk perse, l'Azerbaydjan, la Petite et la Grande Arménie sont au nord de cette ligne. L'Irâk arabe, Mossoul et Diyârbakir sont au sud de cette frontière.
Et je ne parle pas de l'imprécision du Bilad al Akrad ou Zûzan des géographes médiévaux...
Extrait du prochain Hors-série d'Etudes kurdes, Saladin et les Kurdes de Boris James (à paraître bientôt) dans la partie Kurdistan, Zûzân al-Akrad :
L'auteur fait d'abord mention de la province du Kordestân, créé par le sultan seldjoukide d'Iran Sandjar, avec "Bahar pour capitale, les régions autour de Dînawar, Hamadân, Kermânsâh (Qirmisîn), Sinna (l'actuel Sanandadj)... (...) On constate que malgré l'attribution d'un tel nom à cette région, la ville de Hamadan, par exemple ne paraît pas peuplée majoritairement de Kurdes à l'époque de Saladin."
Sur le Bilâd al-Akrâd (Pays des Kurdes en arabe), il n'y a pas de description précise des limites et emplacements, même s'il est attesté sous la plume des géographes et historiens, tel al-Isafahanî, al-Sh'aranî (qui indique que Hisn Kayfâ, soit Hasankeyf est dans le Pays kurde).
Le Zûzân (Zozan=alpage en kurde) est encore plus imprécis : "ensemble géographique habité par des Kurdes et des Arméniens". Selon Yaqût al-Hamwî : "C'est une région située au centre des montagnes arméniennes entre Akhlat, l'Azerbaydjân, le Diyar Bâkr et Mossoul. Ses habitants sont Arméniens (Ahlulâ Arman) ; il y a aussi des groupes kurdes (wa fîhâ tawaîf min al-Akrâd)." Ibn al-Athîr dit : "Le Zûzân est une région étendue de l'est du Tigre à la Djézireh. Il commence à deux jours de Mossoul et s'étend jusqu'aux limites du districts de Salmâs. Il y a là de nombreuses citadelles, toutes tenues par les Kurdes bashnawiya et bukhtiya."
dimanche, mars 26, 2006
posséder la vérité jusqu'au trognon
"...détenir la Vérité... regardez comme c'est gentil : détenir la Vérité. Ou on la possède, aussi. J'ai quelquefois envie de dire : posséder la vérité jusqu'au trognon. Or qui ose dire qu'il possède la vérité, qui ose enfermer la Vérité derrière des barreaux ?"
"j'y crois de telle manière que... ça n'abîme pas l'image de Dieu. Je ne veux pas lui infliger ce que Jerphagnon pense de Dieu et dire que c'est ça la Vérité."
Délicieux Lucien Jerphagnon.
"j'y crois de telle manière que... ça n'abîme pas l'image de Dieu. Je ne veux pas lui infliger ce que Jerphagnon pense de Dieu et dire que c'est ça la Vérité."
Délicieux Lucien Jerphagnon.
jeudi, mars 23, 2006
La chauve-souris et Salomon
Pirçemek û Silêman
Dibêjin, gava Silêman Pêxember Belkîs ji xwe anî bû, Belkîs jê xwest ko ji pûrta teyran jê re nivînekê çêke. Silêman pêxember ferman da hemî teyran û got : ""Divê hûn xwe biruçikînin, da ko jo bo Belkîsê nivînekê çê kin !" Hingê pirçemekê xwe ravegirt, zûka pûrta xwe ruçikand û çû. Lê teyrine mayî ew ferman ha ne li rê dîtin û gotin : "Silêman pêxember, ma ne guneh e, ko ji bona jina xwe gis,kan han bidî ruçikandin ? Emê çawan zivistana xwe bê pûrt derbas kin ? Ev pûrtê ha canê me ji serma diparêze."
Silêman pêxember gotina wan rast dît û dev ji wan berda. Lê pirçemekê xwe ruçikand dibû : "ji wê rojê de s,erm dike ko bi ro derkeve, nav heval û hogiran, ji lew bi s,ev der tê.
On raconte que quand Belkîs se rendit auprès du prophète Salomon, elle désira des plumes d'oiseaux pour s'en faire un lit. Le prophète Salomon convoqua tous les oiseaux et leur dit : "Il faut que vous vous arrachiez les plumes pour faire un lit à Belkîs !" Quand la chauve-souris comprit de quoi il s'agissait, elle s'arracha vite les plumes et s'en fut. Mais les oiseaux ne suivirent pas cet ordre et dirent : "Prophète Salomon, quel péché est-ce là de nous demander de nous déplumer pour ta femme ! Sans plume, comment passerons-nous l'hiver ? Ces plumes protègent nos vies du froid."
Le prophète Salomon reconnut la justesse de ces paroles et les laissa partir. Mais la chauve-souris s'était déplumé : Depuis ce temps, elle rougit de sortir en plein jour, au milieu de ses amis, et ne sort qu'à la nuit." (trad. Sandrine Alexie).
Osman Sabrî in Recueil de textes kourmandji, publié par Stig Wikander, 1959.
Dibêjin, gava Silêman Pêxember Belkîs ji xwe anî bû, Belkîs jê xwest ko ji pûrta teyran jê re nivînekê çêke. Silêman pêxember ferman da hemî teyran û got : ""Divê hûn xwe biruçikînin, da ko jo bo Belkîsê nivînekê çê kin !" Hingê pirçemekê xwe ravegirt, zûka pûrta xwe ruçikand û çû. Lê teyrine mayî ew ferman ha ne li rê dîtin û gotin : "Silêman pêxember, ma ne guneh e, ko ji bona jina xwe gis,kan han bidî ruçikandin ? Emê çawan zivistana xwe bê pûrt derbas kin ? Ev pûrtê ha canê me ji serma diparêze."
Silêman pêxember gotina wan rast dît û dev ji wan berda. Lê pirçemekê xwe ruçikand dibû : "ji wê rojê de s,erm dike ko bi ro derkeve, nav heval û hogiran, ji lew bi s,ev der tê.
On raconte que quand Belkîs se rendit auprès du prophète Salomon, elle désira des plumes d'oiseaux pour s'en faire un lit. Le prophète Salomon convoqua tous les oiseaux et leur dit : "Il faut que vous vous arrachiez les plumes pour faire un lit à Belkîs !" Quand la chauve-souris comprit de quoi il s'agissait, elle s'arracha vite les plumes et s'en fut. Mais les oiseaux ne suivirent pas cet ordre et dirent : "Prophète Salomon, quel péché est-ce là de nous demander de nous déplumer pour ta femme ! Sans plume, comment passerons-nous l'hiver ? Ces plumes protègent nos vies du froid."
Le prophète Salomon reconnut la justesse de ces paroles et les laissa partir. Mais la chauve-souris s'était déplumé : Depuis ce temps, elle rougit de sortir en plein jour, au milieu de ses amis, et ne sort qu'à la nuit." (trad. Sandrine Alexie).
Osman Sabrî in Recueil de textes kourmandji, publié par Stig Wikander, 1959.
mercredi, mars 22, 2006
Al-Maqamat
Célébrissime roman "picaresque", traduit en français par René Khawam et intitulé Le Livre des malins. Lecture drôle et délicieuse des pérégrinations d'un rusé génie de la langue, et une vision qui au passage contredit la fatigante et sempiternelle assertion selon laquelle l'islam extrémiste d'aujourd'hui serait un retour au"Moyen-Âge", opposé à un islam "moderne" et tolérant, c'est-à-dire "des Lumières". Lisez un peu cette littérture médiévale où l'on s'abreuve gaiement au jus de la treille et où l'on lutine les gazelles des deux sexes avant d'imaginer le Moyen-Âge musulman comme un vaste Taliban-Stan...
Par ailleurs quelle idée d'avoir illustré les Maqamat, oeuvre de l'Irak arabe du XI°siècle par le portrait du Prophète et de la Buraq, qui me semble bien être tiré du Miradjname, (manuscrit ouyghur), du XV° siècle ? Le Prophète en menteur débauché, si ça ne vaut pas une fatwa, ça ! :))
D'autant plus que ces Maqamat, qui connurent un grand succès dans tout le monde musulman ont été magnifiquement illustrées à plusieurs reprises. Entre le manuscrit de Saint-Pétersbourg hélas mutilé par un imbécile (de Diyarbakir il me semble, qui mit la foule en émoi, ce qui fait qu'il fut traîné devant le cadi qui le condamna pour avoir abîmé un chef d'oeuvre et toc ! l'histoire est contée par Ettinghausen dans sa Peinture arabe, je vérifierai si c'est bien de ce manuscrit qu'il s'agit)
Comme on le voit, considérant qu'il est prohibé de représenter des êtres vivants, la solution "jésuitique" fut de trancher le cou des personnages. Cela épargna au manuscrit la destruction mais puisse son vandale rôtir en enfer, non mais !
Autre manuscrit somptueux, celui peint par Wasiti, conservé à la Bibliothèque nationale :
Mais une autre version existe aussi à la BNF, peinte en Syrie-Djézireh, datant aussi du 13° siècle. Des séances se passant dans quelques villes que les Kurdes connaissent bien : Sindjar, Nusaybin, Mayyafarqîn (auj. Silvan), Malatya.
La 18° Séance se passe donc à Sindjar où l'un des marchands de la ville organise un banquet.
Maqâma 18: Abû Zayd quittant le banquet de mariage à Sinjar
Cote : Arabe 6094 , Fol. 55
Al-Harîrî, Maqâmât, Syrie, Jazîra, XIIIe siècle
Où Abû Zayd, après avoir conté une histoire tordue en tout sens, finit par se faire offrir le repas, la vaisselle d'argent dans laquelle les mets lui ont été servis, et l'esclave qui les lui a apportés,parce que là où y a de la gêne y a pas de plaisir...
A Nusaybin (19° Séance), Abu Zayd feint une grande maladie et tous se pressent à son chevet avec force offrandes consolatrices et revigorantes...
A Mayyafarqîn, il prétend devoir enterrer un mort cher à son coeur sans avoir de quoi payer son linceul et à Malatya, il fait merveille en résolvant énigmes sur énigmes à un banquet de lettrés.
Par ailleurs quelle idée d'avoir illustré les Maqamat, oeuvre de l'Irak arabe du XI°siècle par le portrait du Prophète et de la Buraq, qui me semble bien être tiré du Miradjname, (manuscrit ouyghur), du XV° siècle ? Le Prophète en menteur débauché, si ça ne vaut pas une fatwa, ça ! :))
D'autant plus que ces Maqamat, qui connurent un grand succès dans tout le monde musulman ont été magnifiquement illustrées à plusieurs reprises. Entre le manuscrit de Saint-Pétersbourg hélas mutilé par un imbécile (de Diyarbakir il me semble, qui mit la foule en émoi, ce qui fait qu'il fut traîné devant le cadi qui le condamna pour avoir abîmé un chef d'oeuvre et toc ! l'histoire est contée par Ettinghausen dans sa Peinture arabe, je vérifierai si c'est bien de ce manuscrit qu'il s'agit)
Comme on le voit, considérant qu'il est prohibé de représenter des êtres vivants, la solution "jésuitique" fut de trancher le cou des personnages. Cela épargna au manuscrit la destruction mais puisse son vandale rôtir en enfer, non mais !
Autre manuscrit somptueux, celui peint par Wasiti, conservé à la Bibliothèque nationale :
Mais une autre version existe aussi à la BNF, peinte en Syrie-Djézireh, datant aussi du 13° siècle. Des séances se passant dans quelques villes que les Kurdes connaissent bien : Sindjar, Nusaybin, Mayyafarqîn (auj. Silvan), Malatya.
La 18° Séance se passe donc à Sindjar où l'un des marchands de la ville organise un banquet.
Maqâma 18: Abû Zayd quittant le banquet de mariage à Sinjar
Cote : Arabe 6094 , Fol. 55
Al-Harîrî, Maqâmât, Syrie, Jazîra, XIIIe siècle
Où Abû Zayd, après avoir conté une histoire tordue en tout sens, finit par se faire offrir le repas, la vaisselle d'argent dans laquelle les mets lui ont été servis, et l'esclave qui les lui a apportés,parce que là où y a de la gêne y a pas de plaisir...
A Nusaybin (19° Séance), Abu Zayd feint une grande maladie et tous se pressent à son chevet avec force offrandes consolatrices et revigorantes...
A Mayyafarqîn, il prétend devoir enterrer un mort cher à son coeur sans avoir de quoi payer son linceul et à Malatya, il fait merveille en résolvant énigmes sur énigmes à un banquet de lettrés.
Maqâma 36: Abû Zayd et ses auditeurs
Cote : Arabe 6094 , Fol. 126
Al-Harîrî, Maqâmât, Syrie, Jazîra, XIIIe siècle
Cote : Arabe 6094 , Fol. 126
Al-Harîrî, Maqâmât, Syrie, Jazîra, XIIIe siècle
Mais d'où venait Abu Zayd le vagabond, le virtuose du verbe arabe et des ruses de l'Islam, le Renard de Mésopotamie ?
Eh bien, il n'en fait pas mystère : Sa ville natale est Sarûdj, dont il déplore à maintes reprises d'être exilé puisqu'à l'époque elle était aux mains des Francs du comté d'Edesse autrement dit Urfa... Aujourd'hui la ville s'appelle Süruc et fait toujours partie du district d'Urfa...
Bref, le célébrissime Abu Zayd était un Ruhawî :)
Eh bien, il n'en fait pas mystère : Sa ville natale est Sarûdj, dont il déplore à maintes reprises d'être exilé puisqu'à l'époque elle était aux mains des Francs du comté d'Edesse autrement dit Urfa... Aujourd'hui la ville s'appelle Süruc et fait toujours partie du district d'Urfa...
Bref, le célébrissime Abu Zayd était un Ruhawî :)
lundi, mars 20, 2006
Tradition
Comme tous les ans, à l'arrivée du Newroz, pluie, boue, neige, temps dégueulasse et ciel gris. Le Newroz kurde c'est l'équivalant du 14 juillet en France.
vendredi, mars 17, 2006
Musique
Jeudi 16 mars 2006, à 20h 30 sur France Culture :
Equinoxe
par Caroline Bourgine présente :
Cordes fougueuses
avec Juan Carmona, guitare flamenca
Equinoxe
par Caroline Bourgine présente :
Cordes fougueuses
avec Juan Carmona, guitare flamenca
Issa Hassan, bouzouk kurde
Au Studio Charles Trénet - 105
Maison de Radio-France
Entrée à demander au 3230 (0.34 ?/mn).
Diffusion sur France Culture le dimanche 19 mars de 0h00 à 1h00.
Maison de Radio-France
Entrée à demander au 3230 (0.34 ?/mn).
Diffusion sur France Culture le dimanche 19 mars de 0h00 à 1h00.
Le Samedi 18 mars
à l'Institut du Monde arabe
(auditorium)
20h30
Ballade en Bouzouk
à l'Institut du Monde arabe
(auditorium)
20h30
Ballade en Bouzouk
TV : Saladin
Jeudi 16 mars et vendredi 17, à 15h45, sur la chaîne Histoire, documentaire : Richard et Saladin. (Grande-Bretagne, 2005).
jeudi, mars 16, 2006
Commémoration
Le jeudi 16 mars à 18h30
les étudiants de l'Institut kurde de Paris
vous invitent à commémorer
le 18° anniversaire du bombardement chimique sur Halabja
Lecture de poèmes en kurde et en français
Musique et chants kurdes
Projection de diapositives et d'un documentaire sur le gazage de Halabja
Pot de l'amitié
entrée libre.
Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 7010 Paris, M° Poissonnière.
les étudiants de l'Institut kurde de Paris
vous invitent à commémorer
le 18° anniversaire du bombardement chimique sur Halabja
Lecture de poèmes en kurde et en français
Musique et chants kurdes
Projection de diapositives et d'un documentaire sur le gazage de Halabja
Pot de l'amitié
entrée libre.
Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 7010 Paris, M° Poissonnière.
lundi, mars 13, 2006
Parution
Présentation de l'éditeur
Et si le camp de la paix avait précipité la guerre ? Et si la France allait payer le prix fort sa posture aux motivations troubles ? Au terme d'une enquête passionnante et de témoignages exclusifs recueillis en Jordanie, au Liban et à Paris, Jeanne Assouly dévoile les dessous de la prise de position de la France en Irak. Elle révèle l'existence inconnue d'une infime tentative de Saddam pour éviter le conflit quelques mois avant son déclenchement, des intermédiaires qu'il avait choisis pour cette mission et des raisons de son échec. Elle livre aussi le récit inédit de la capture du raïs et de ses vrais responsables. Elle évalue enfin les bénéfices réels retirés par la France et les conséquences prévisibles de sa croisade " pacifiste ". A contre-courant du discours ambiant, sa thèse inédite nous prépare à l'ouverture de la boîte de Pandore, qui marquera à coup sûr le début véritable du procès Saddam Hussein.
Biographie de l'auteur
Jeanne Assouly est journaliste à la rédaction de France 2 depuis 1988. Ces six dernières années, elle y a couvert les principales affaires financières : ELF, MNEF, Falcone. Spécialiste du Proche-Orient, elle parle couramment l'hébreu et l'arabe.
Et si le camp de la paix avait précipité la guerre ? Et si la France allait payer le prix fort sa posture aux motivations troubles ? Au terme d'une enquête passionnante et de témoignages exclusifs recueillis en Jordanie, au Liban et à Paris, Jeanne Assouly dévoile les dessous de la prise de position de la France en Irak. Elle révèle l'existence inconnue d'une infime tentative de Saddam pour éviter le conflit quelques mois avant son déclenchement, des intermédiaires qu'il avait choisis pour cette mission et des raisons de son échec. Elle livre aussi le récit inédit de la capture du raïs et de ses vrais responsables. Elle évalue enfin les bénéfices réels retirés par la France et les conséquences prévisibles de sa croisade " pacifiste ". A contre-courant du discours ambiant, sa thèse inédite nous prépare à l'ouverture de la boîte de Pandore, qui marquera à coup sûr le début véritable du procès Saddam Hussein.
Biographie de l'auteur
Jeanne Assouly est journaliste à la rédaction de France 2 depuis 1988. Ces six dernières années, elle y a couvert les principales affaires financières : ELF, MNEF, Falcone. Spécialiste du Proche-Orient, elle parle couramment l'hébreu et l'arabe.
La chaîne de télévision de la république d'Iran : "le dessin animé Tom et Jerry fait partie de la conspiration juive." (source Awat News)
'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.
samedi, mars 11, 2006
Parution
Pour les anglophones, enfin un livre qui traite de l'avenir du Kurdistan d'Irak (et non son épouvantable passé) et qui essaie de prospecter cet avenir politique. A ne pas manquer sur amazon le commentaire au sourire citron de Michael Rubin, plutôt pro-Turc mais dans l'option "n'aime pas trop les Kurdes", et qui reproche une certaine kurdophilie de certains des auteurs...
vendredi, mars 03, 2006
Conférence sur la Question kurde à Istanbul
Quêtes pour une solution civile et démocratique 1
Le problème kurde de la Turquie
Le problème kurde de la Turquie
Programme de la Conférence
Université Bilgi-Istanbul
Université Bilgi-Istanbul
Samedi 11 mars 2006 |
---|
1erPanel : L'évolution et l'arrière-plan historique de la Question kurde |
10.00 - 11.15 |
Modérateur : Mete TUNCAY, Professeur à l'Université Bilgi Intervenants :
|
2ème Panel : Organisations et expériences |
11h30 - 13h00 |
Modérateur : Ümit FIRAT, Editeur Intervenants :
|
Pause déjeuner |
|
3ème Panel : Les exodes et leurs conséquences psychologiques et sociales |
14h00 ? 15h00 |
Modérateur : Ali BAYRAMOGLU, écrivain, Yeni Safak Intervenants :
|
4ème Panel : Nationalisme |
15h45 - 17h15 |
Modérateur : Oya BAYDAR, écrivain Intervenants :
|
5ème Panel : L'expérience irakienne et ses impacts régionaux |
17h30 ? 19h00 |
Modérateur : Özdem SANBERK, Ancien ambassadeur Intervenants :
|
Dimanche 12 mars 2006 |
1er Panel : Les droits à l?identité, dimensions sociales et culturelles |
10h00 - 11h45 |
Modérateur : Kürsat BUMIN, Ecrivain, Yeni Safak Intervenants :
|
2ème Panel : Notion de minorité |
12h00 ? 13h30 |
Modérateur : Füsun ÜSTEL, Prof. Université Marmara Intervenants :
|
Pause déjeuner |
|
3ème Panel : La Question kurde et les politiques d?Etat |
14h30 - 16h30 |
Modérateur : Selahattin KAYA, Ancien maire de Bingöl Intervenants :
|
4ème Panel : La Question kurde et les média |
16h45 - 18h45 |
Modérateur : Oral CALISLAR, Cumhuriyet Intervenants :
|
Radio : Zeugma
Vendredi 3 mars à 9h05, sur France-Culture : Les peintures de la cité de Zeugma ; avec Alix Barbet, du CNRS. La Nouvelle Fabrique de l'Histoire, Emmanuel Laurentin.
mercredi, mars 01, 2006
Les derviches tourneurs, les tesbis et le kurde
Lundi, partant en quête d'un tesbi (oui ça me prend comme ça, j'avais cassé le mien il y a des lustres) je me dirige naturellement vers le Centre culturel Anatolia, d'abord parce que c'est pas loin, et ensuite parce que des Turcs j'attends des renseignements rapides et immédiatement utilisables pour savoir où trouver des tesbis, sachant que demander à des Kurdes c'est courir à 80% le risque de s'entendre répondre après une conférence au sommet et discussion vive sur les endroits où en trouver (et surtout ne pas en trouver) : "Ah mais attends je t'en ramènerai un quand je partirai au pays" ou "je vais demander à machin qui y va de demander à son cousin de..." Bref.
Et donc à Anatolia, réponse rapide, livret gratuit sur le Paris turc (édité par Western Union), et on m'indique en prime la librairie Mevleva rue de l'Echiquier : "Vous savez, c'est à côté et on appelle ce quartier la Petite Turquie." Oui, je sais bien, moitié Petite Turquie moitié petit PKK en fait, mais là je me la suis fermée parce que bon, je n'avais l'intention d'aller faire mes achats là-bas en clamant partout ma kurdistanité suspecte. C'est vrai quoi, faut se méfier avec les tesbis qu'on vous refile, si certains ont la baraka, ça peut vouloir dire que d'autres portent la poisse. Donc, pax, je me la ferme, la jouant presque "touriste de retour d'Istanbul et voulant faire remarquer sa nostalgie", et j'y vais.
Dans la librairie, mélange marrant de tesbis (y en plein, de toutes les couleurs, de tous les matériaux, plastique, fausses turquoises, faux argent, vrais noyaux de fruits) ; j'ai compté sournoisement les perles, toujours 33 ou 99, pas vu des 12 ni 24 ni 40 on n'est pas chez les Alévis, c'est sûr ; avec les tesbis, des rayons de livres tous religieux, mais en turc, quelques-uns en français enfin les poches les plus connus, Ibn Arabî, Rumî (un peu normal ici), et les Lings ; plus les porte-clefs contre le mauvais oeil, qui ressemblent à des globes oculaires énucléés,ce que j'ai toujours trouvé parfaitement gore, de ceux qu'on voit partout en Turquie, en épingle, en broche, en pendentif, en déco de seuil de porte ; plus des cassettes (arf !) des CD dont certains viennent nettement d'Asie centrale vu les têtes sur les pochettes ; et le portrait d'Atatürk et les vues de la Kaabah, et de la bimbeloterie un peu partout, et les fanions-drapeaux du Turkistan, du Tataristan et autre Touranistan-land (j'ai pas vu Kirkukistan, par contre, dommage, je l'aurais tout de suite pris).
Bref le temps de trifouiller tous les tesbis (important le choix, il n'y a pas que la couleur il faut que le matériau plaise aux doigts, que les grains coulent facile, qu'ils ne soient ni trop serrés ni trop lâches), il a dû s'écouler un bon quart d'heure. Quand je vois arriver le libraire avec un plateau de thé et deux verres dessus (j'étais avec une Française qui découvrait tout ça) machinalement, sans réfléchir, je dis "tes,ekkür ederim" (j'aurais pu dire "spas", je me suis bien tenue au final). Du coup le type me lance une grande phrase bien longue en turc en me montrant la table du fond avec les chaises autour, le coin des clients quoi. En me marrant je réponds "türkçe bilmyorum" pour rectifier le tir et aussitôt on me répond que ça ne fait rien du tout si je parle pas turc, qu'il faut venir s'assoir, et boire du thé, autant qu'on veut. Et nous voilà assis autour d'un thé (bouillant comme d'hab') et à répondre à des questions intriguées et souriantes : d'où je connais la librairie ? euh.. du centre Anatolia. Ah bon. Et je vais au centre Anatolia parce que je suis étudiante, pour apprendre la langue ? Euh, non non... (je vais quand même pas dire que c'est parce que c'est presque en face de l'Institut kurde, quoi !). Et je connais un peu le soufisme ? les mevlevi ? Oh ben oui, très bien. Et Kudsi Erguner j'ai entendu parler ? Aussi, vi. Et comme la musique du nay se faisait entendre (oui j'ai dit nay, pas flûte à voix haute, histoire de me faire encore plus remarquer) me voilà à expliquer à la française qui m'accompagnait le symbole du nay le roseau arraché de sa roselière, la nostalgie de l'âme soupirant après l'UN tout ça...
Du coup le libraire m'amène le sien et m'explique qu'il apprend à en jouer, et me le tend pour que je souffle dedans. J'étais sûre que c'était aussi dur d'en sortir un son que d'une trompette. Je me suis pas trompée. Même en m'explosant les poumons, rien. Dire que quelques secondes avant, il m'avait demandé en riant si j'étais derviche, là ça va j'ai dû être rassurante comme néophyte.
Puis il me dit qu'il est de Konya. Est-ce que je connais Konya ? euh de réputation. Si j'ai déjà été en Turquie ? Oui (et là il va me demander où j'en suis sûre, je le sens venir...). Où ça ? Euh... Istanbul. Ah, Istanbul. Et sinon ? Euh... Ankara, Kus,adasi, Kayseri (j'essayais de passer en revue tous les endroits convenables c'est-à-dire pas connotés kurdes où j'étais allée). Bon finalement, la seule chose qui l'intéressait c'est si je connaissais Konya, point. Et je suis étudiante ? (arf !). Non non (et il va me demander ce que je fais dans la vie et comment je connais tout ça...). "Et vous connaissez comment le soufisme ? "
Là je dois dire que j'avais envie de rire parce que je sentais ma réponse arriver. Après tout c'était drôle de pouvoir le dire franchement, m'étant assez retenue en Turquie. J'étais aussi curieuse de la réaction. Donc, avec mon air le plus angélique : "Ah mais j'en traduis des soufis." "Ah oui ? et vous avez traduit quoi ?" Battement de cils ARCHANGELIQUE : "Ahmedê Khanî." "Il penche la tête de côté pour mieux entendre : "Khanî ? " "Khanî." Un brin de réflexion (visiblement ça lui dit rien) puis : "Mais vous traduisez quelle langue ?" Là je me la joue bien dinde : "En français." "Oui... mais... de l'arabe ?"
Battement de cils CHERUBINIQUE : " Non, du kurde."
Glups. Il se fige, puis se penche sur moi, les yeux comme des soucoupes en me regardant de la tête aux pieds. Il n'y croit pas.
- Vous êtes Kurde ????
- Ah non, pas du tout. (l'air de dire : "Ben pourquoi cette question ?")
ça a l'air de méditer un brin. Puis deux autres Turcs entrent dans la librairie, et naturellement il va leur dire illico en turc que je parle kurde (les Kurdes aussi font ça, mais eux c'est pour s'en réjouir), là je sirote rêveusement mon thé en me demandant si je vais me faire éjectée de la boutique par l'esquadron du Touran offensé...
Et là j'entends en turc un truc du genre : "ah bon ? bah on est ami !" biz quelque chose, bizin, bizim ? et arkadash sûr. A mon tour d'avoir les yeux ronds (et l'air ahuri j'admets aussi). Ils ne sont pourtant pas Kurdes, de vrais Turcs, moyens-petits et costauds, trapus même, avec une bonne tête ronde de pastèques et un air de dur de la steppe. Enfin de durs très amicaux. Pas raides rougissant morts tout fondus aux pieds comme les Kurdes, mais gentils, raisonnablement. A chaque fois qu'un nouveau client entrait, ils lui apprenaient que je parlais kurde.
Bon, je finis mon thé en me disant que pourtant on m'avait dit qu'ils étaient bien nationalistes à Konya. Ou alors c'est qu'ils vont passer aux questions, ce que je pense du PKK, d'Öcalan, gna gna gna. Ben non, même pas. Sauf que le libraire me dit tout de suite qu'il doit s'absenter 15 minutes, (pendant que ses potes gardent la boutique) mais qu'il revient. Alors là, si j'avais été chez les PKK, je me serais dit "bon il va consulter sa hiérarchie qui va se mettre en réunion pour décider quelle attitude il convient d'adopter." Mais j'ignore si les partis pan-touranistes ou les soufis ont besoin d'une hiérarchie pour décider s'ils vous virent à coups de pompe dans l'arrière-train ou vous déroulent le tapis rouge. Bah, finissons notre thé, et je retourne choisir mes tesbihs, tout en reluquant du coin de l'oeil les deux remplaçants qui n'ont pas franchement l'air de m'en vouloir. D'ailleurs l'un d'eux, assis, me fait un sourire timide et radieux au passage (à moi et à ses chaussures en alternance). Non, décidément, ils n'ont pas l'air fâchés...
Et puis le libraire revient au bout d'une demi-heure (s'il avait été PKK j'aurais dit : la réunion est finie, mais là ce serait médire) en s'excusant d'avoir traîné. Je prends mon tesbi, paie, au revoir et là sourire aussi timide que son pote : "Il faut revenir, pour parler soufisme." Ben ouais. Et puis la prochaine je râlerais parce que jen'ai pas vu de "Mem et Zîn" en vente ici, tiens.
De tout cela, j'en concluerais que : soit les relations kurdo-turques sont en train de se réchauffer (ce qui à l'approche du Newroz ne semble pas flagrant), soit que les mevlevis sont larges d'esprit (très) ou que vivant dans leur barzakh ils n'ont jamais eu vent de la guerre, mais ça m'étonnerait beaucoup ; soit que, comme ça arrive souvent, ils décident souvent, comme les autres Turcs et les Kurdes de ne retenir que ce qui les arrange, en balayant totalement de leur cerveau les points gênants, du moment que la première impression était bonne.
Ou qu'ils veulent me faire revenir pour me faire parler :D (mode Mata Hari parano).
En attendant Mevlava est un endroit à recommander, même le thé est bon, on dirait du thé de contrebande !
Et donc à Anatolia, réponse rapide, livret gratuit sur le Paris turc (édité par Western Union), et on m'indique en prime la librairie Mevleva rue de l'Echiquier : "Vous savez, c'est à côté et on appelle ce quartier la Petite Turquie." Oui, je sais bien, moitié Petite Turquie moitié petit PKK en fait, mais là je me la suis fermée parce que bon, je n'avais l'intention d'aller faire mes achats là-bas en clamant partout ma kurdistanité suspecte. C'est vrai quoi, faut se méfier avec les tesbis qu'on vous refile, si certains ont la baraka, ça peut vouloir dire que d'autres portent la poisse. Donc, pax, je me la ferme, la jouant presque "touriste de retour d'Istanbul et voulant faire remarquer sa nostalgie", et j'y vais.
Dans la librairie, mélange marrant de tesbis (y en plein, de toutes les couleurs, de tous les matériaux, plastique, fausses turquoises, faux argent, vrais noyaux de fruits) ; j'ai compté sournoisement les perles, toujours 33 ou 99, pas vu des 12 ni 24 ni 40 on n'est pas chez les Alévis, c'est sûr ; avec les tesbis, des rayons de livres tous religieux, mais en turc, quelques-uns en français enfin les poches les plus connus, Ibn Arabî, Rumî (un peu normal ici), et les Lings ; plus les porte-clefs contre le mauvais oeil, qui ressemblent à des globes oculaires énucléés,ce que j'ai toujours trouvé parfaitement gore, de ceux qu'on voit partout en Turquie, en épingle, en broche, en pendentif, en déco de seuil de porte ; plus des cassettes (arf !) des CD dont certains viennent nettement d'Asie centrale vu les têtes sur les pochettes ; et le portrait d'Atatürk et les vues de la Kaabah, et de la bimbeloterie un peu partout, et les fanions-drapeaux du Turkistan, du Tataristan et autre Touranistan-land (j'ai pas vu Kirkukistan, par contre, dommage, je l'aurais tout de suite pris).
Bref le temps de trifouiller tous les tesbis (important le choix, il n'y a pas que la couleur il faut que le matériau plaise aux doigts, que les grains coulent facile, qu'ils ne soient ni trop serrés ni trop lâches), il a dû s'écouler un bon quart d'heure. Quand je vois arriver le libraire avec un plateau de thé et deux verres dessus (j'étais avec une Française qui découvrait tout ça) machinalement, sans réfléchir, je dis "tes,ekkür ederim" (j'aurais pu dire "spas", je me suis bien tenue au final). Du coup le type me lance une grande phrase bien longue en turc en me montrant la table du fond avec les chaises autour, le coin des clients quoi. En me marrant je réponds "türkçe bilmyorum" pour rectifier le tir et aussitôt on me répond que ça ne fait rien du tout si je parle pas turc, qu'il faut venir s'assoir, et boire du thé, autant qu'on veut. Et nous voilà assis autour d'un thé (bouillant comme d'hab') et à répondre à des questions intriguées et souriantes : d'où je connais la librairie ? euh.. du centre Anatolia. Ah bon. Et je vais au centre Anatolia parce que je suis étudiante, pour apprendre la langue ? Euh, non non... (je vais quand même pas dire que c'est parce que c'est presque en face de l'Institut kurde, quoi !). Et je connais un peu le soufisme ? les mevlevi ? Oh ben oui, très bien. Et Kudsi Erguner j'ai entendu parler ? Aussi, vi. Et comme la musique du nay se faisait entendre (oui j'ai dit nay, pas flûte à voix haute, histoire de me faire encore plus remarquer) me voilà à expliquer à la française qui m'accompagnait le symbole du nay le roseau arraché de sa roselière, la nostalgie de l'âme soupirant après l'UN tout ça...
Du coup le libraire m'amène le sien et m'explique qu'il apprend à en jouer, et me le tend pour que je souffle dedans. J'étais sûre que c'était aussi dur d'en sortir un son que d'une trompette. Je me suis pas trompée. Même en m'explosant les poumons, rien. Dire que quelques secondes avant, il m'avait demandé en riant si j'étais derviche, là ça va j'ai dû être rassurante comme néophyte.
Puis il me dit qu'il est de Konya. Est-ce que je connais Konya ? euh de réputation. Si j'ai déjà été en Turquie ? Oui (et là il va me demander où j'en suis sûre, je le sens venir...). Où ça ? Euh... Istanbul. Ah, Istanbul. Et sinon ? Euh... Ankara, Kus,adasi, Kayseri (j'essayais de passer en revue tous les endroits convenables c'est-à-dire pas connotés kurdes où j'étais allée). Bon finalement, la seule chose qui l'intéressait c'est si je connaissais Konya, point. Et je suis étudiante ? (arf !). Non non (et il va me demander ce que je fais dans la vie et comment je connais tout ça...). "Et vous connaissez comment le soufisme ? "
Là je dois dire que j'avais envie de rire parce que je sentais ma réponse arriver. Après tout c'était drôle de pouvoir le dire franchement, m'étant assez retenue en Turquie. J'étais aussi curieuse de la réaction. Donc, avec mon air le plus angélique : "Ah mais j'en traduis des soufis." "Ah oui ? et vous avez traduit quoi ?" Battement de cils ARCHANGELIQUE : "Ahmedê Khanî." "Il penche la tête de côté pour mieux entendre : "Khanî ? " "Khanî." Un brin de réflexion (visiblement ça lui dit rien) puis : "Mais vous traduisez quelle langue ?" Là je me la joue bien dinde : "En français." "Oui... mais... de l'arabe ?"
Battement de cils CHERUBINIQUE : " Non, du kurde."
Glups. Il se fige, puis se penche sur moi, les yeux comme des soucoupes en me regardant de la tête aux pieds. Il n'y croit pas.
- Vous êtes Kurde ????
- Ah non, pas du tout. (l'air de dire : "Ben pourquoi cette question ?")
ça a l'air de méditer un brin. Puis deux autres Turcs entrent dans la librairie, et naturellement il va leur dire illico en turc que je parle kurde (les Kurdes aussi font ça, mais eux c'est pour s'en réjouir), là je sirote rêveusement mon thé en me demandant si je vais me faire éjectée de la boutique par l'esquadron du Touran offensé...
Et là j'entends en turc un truc du genre : "ah bon ? bah on est ami !" biz quelque chose, bizin, bizim ? et arkadash sûr. A mon tour d'avoir les yeux ronds (et l'air ahuri j'admets aussi). Ils ne sont pourtant pas Kurdes, de vrais Turcs, moyens-petits et costauds, trapus même, avec une bonne tête ronde de pastèques et un air de dur de la steppe. Enfin de durs très amicaux. Pas raides rougissant morts tout fondus aux pieds comme les Kurdes, mais gentils, raisonnablement. A chaque fois qu'un nouveau client entrait, ils lui apprenaient que je parlais kurde.
Bon, je finis mon thé en me disant que pourtant on m'avait dit qu'ils étaient bien nationalistes à Konya. Ou alors c'est qu'ils vont passer aux questions, ce que je pense du PKK, d'Öcalan, gna gna gna. Ben non, même pas. Sauf que le libraire me dit tout de suite qu'il doit s'absenter 15 minutes, (pendant que ses potes gardent la boutique) mais qu'il revient. Alors là, si j'avais été chez les PKK, je me serais dit "bon il va consulter sa hiérarchie qui va se mettre en réunion pour décider quelle attitude il convient d'adopter." Mais j'ignore si les partis pan-touranistes ou les soufis ont besoin d'une hiérarchie pour décider s'ils vous virent à coups de pompe dans l'arrière-train ou vous déroulent le tapis rouge. Bah, finissons notre thé, et je retourne choisir mes tesbihs, tout en reluquant du coin de l'oeil les deux remplaçants qui n'ont pas franchement l'air de m'en vouloir. D'ailleurs l'un d'eux, assis, me fait un sourire timide et radieux au passage (à moi et à ses chaussures en alternance). Non, décidément, ils n'ont pas l'air fâchés...
Et puis le libraire revient au bout d'une demi-heure (s'il avait été PKK j'aurais dit : la réunion est finie, mais là ce serait médire) en s'excusant d'avoir traîné. Je prends mon tesbi, paie, au revoir et là sourire aussi timide que son pote : "Il faut revenir, pour parler soufisme." Ben ouais. Et puis la prochaine je râlerais parce que jen'ai pas vu de "Mem et Zîn" en vente ici, tiens.
De tout cela, j'en concluerais que : soit les relations kurdo-turques sont en train de se réchauffer (ce qui à l'approche du Newroz ne semble pas flagrant), soit que les mevlevis sont larges d'esprit (très) ou que vivant dans leur barzakh ils n'ont jamais eu vent de la guerre, mais ça m'étonnerait beaucoup ; soit que, comme ça arrive souvent, ils décident souvent, comme les autres Turcs et les Kurdes de ne retenir que ce qui les arrange, en balayant totalement de leur cerveau les points gênants, du moment que la première impression était bonne.
Ou qu'ils veulent me faire revenir pour me faire parler :D (mode Mata Hari parano).
En attendant Mevlava est un endroit à recommander, même le thé est bon, on dirait du thé de contrebande !
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