vendredi, mai 13, 2005

Rejuger Öcalan ? Et alors ?

C'est entendu, la Cour européenne a tranché, Öcalan devra être jugé, le procès n'ayant pas été estimé "équitable" en raison de la présence d'un juge militaire dans le tribunal. S'il n'y avait que ça... Il faut se rappeler le climat d'hystérie qui prévalait en Turquie à l'époque, les avocats d'Öcalan, et surtout le principal, Ahmet Zeki Okçuoglu, menacés, plusieurs fois agressés par des bandes nationalistes, les visites à leur client entrâvées par la difficulté d'accès d'Imrali : Quand les avocats réusissaient à obtenir un bateau pour l'île d'Imrali, (et que les autorités jugeaient que les conditions météo permettaient la traversée), il fallait que les défenseurs d'Öcalan affrontent des "mères de soldats turcs" (vraies ou supposées, car ces mères de famille là semblaient bénéficier d'une logistique et de moyens matériels illimités pour manifester tant devant le tribunal que devant ces avocats).

Une fois arrivés à Imrali, il fallait subir une fouille au corps humiliante, et naturellement aucune conversation entre l'avoat et son client ne pouvait être gardée secrète, car un "garde" cagoulé assistait toujours aux entretiens.

Quant aux avocats de l'accusation, ils bénéficiaient de la plus grande indulgence pour tous les manquements aux règles : l'un d'eux, ainsi, arborant un tee-shirt représentant le drapeau turc, au lieu de sa tenue habituelle.

Procès inéquitable, donc. Soit. Mais en quoi rejuger Öcalan serait de quelque valeur, si dans le même temps, les crimes de l'Etat turc envers les Kurdes ne sont pas, eux, jugés ? Demander à rejuger Öcalan, d'une manière "équitable" est d'une hypocrisie sans nom, bien caractéristique de l'Union européenne, quand on pense qu'une bonne partie de l'Etat-Major turc et de sa classe politique, s'ils avaient été Serbes ou Ruandais hutu, seraient actuellement sur les bancs du Tribunal international de La Haye. Rappelons d'ailleurs que les pays de l'ex-Yougoslavie désireux d'intégrer l'Union européenne se voient imposer comme condition de coopérer à l'arrestation de leurs criminels de guerre... Insister sur la reconnaissance du génocide arménien, c'est bien. Mais bon nombre de dirigeants ou d'ex-dirigeants turcs ont de nos jours du sang beaucoup plus frais sur les mains.

Juger unilatéralement Öcalan, c'est accepter que la rébellion kurde a été illégale, et donc, qu'il est illégal de se révolter contre un Etat dictatorial à idéologie génocidaire. Si l'on suit la même logique, les peshmergas de Barzani et Talabani étaient dans l'illégalité quand ils se sont révoltés contre le régime de Saddam Hussein, de même les Tutsi s'ils avaient pu résister aux Hutus, etc. Le cas s'est déjà posé concernant les charges contre Nuriye Kesbir : l'UE va-t-elle déclarer toute prise d'arme illégale contre un Etat, quels que soient ses manquements aux droits de l'Homme ?

Mais voilà, ce procès qui aurait déjà dû être le "procès de l'Etat turc et de sa politique anti-kurde", tel que le voulait en tous cas Ahmet Zeki Okçuoglu, s'il n'a jamais eu lieu, c'est uniquement par la faute d'Öcalan, qui ne sut que dire à ses juges : "je demande pardon", "ce n'est pas moi, c'est ma guérilla", "ce n'est pas moi, c'est ma femme", et pour finir "je suis profondément kémaliste et je vous aime".

Dans ces conditions, évidemment, comment défendre la cause des Kurdes en Turquie quand leur" leader" les déclare automatiquement coupables ? Celui qui empêche, pour le moment, tout procès "équitable" de l'Etat turc, ce n'est pas la Turquie elle-même, c'est Öcalan.

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