dimanche, mai 02, 2004

Une nouvelle donne en Syrie ?

Infléchissement pas si surprenant que ça dans la politique de répression syrienne envers les Kurdes : le président Bachar al-Assad a ainsi déclaré, s'opposant au vice-président Abdel Halim Khaddam, que le serhildan kurde n'émanait pas d'éléments étrangers (les Kurdes d'Irak, au hasard ?), reconnaissant donc par là implicitement qu'il y a bien un problème kurde en Syrie, et même affirmant encore plus explicitement que la question de la nationalité des Kurdes de Djézireh officiellement apatride devait être réglée en ajoutant même : "Les Kurdes sont des citoyens syriens qui vivent parmi nous, et le nationalisme kurde fait partie de l'histoire de la Syrie", a-t-il assuré. (al Jazirah).

Pourquoi ce subit revirement ? C'est qu'il y a toujours eu en Syrie, et même à l'intérieur d'un mouvement nationaliste pro-arabe comme le Baath, un clivage entre la majorité arabe sunnite et les autres minorités arabes non sunnites (Alaouites, Ismaéliens, druzes, etc.) , les minorités sunnites non-Arabes comme les Kurdes, et les minorités non musulmanes (Chrétiens de tous rites, Yézidis, etc.). Depuis leur arrivée au pouvoir, en 1967, les Alaouites ont toujours veillé à ne pas trop favoriser la majorité arabe sunnite, étant eux-même une de ces minorités. L'agitation de mars, apparemment provoquée par des groupes baathistes frustrés de la défaite irakienne, pouvait finir par devenir trop dangereuse pour le clan alaouite, en galvanisant un peu trop les sunnites arabes. Elle a pu aussi inquiéter les autres groupes minoritaires du pays.

Aussi intéressante est cette récupération de l'histoire kurde au sein d'une histoire syrienne commune, rappelant la thèse "syrianiste" du PPS, parti fondé en 19321 par un Grec orthodoxe libanais (de même confession donc que le fondateur de la doctrine baathiste, Michel Aflak), pour qui les Syriens étaient un peuple autochtone, non-Arabes, résultant de la fusion de plusieurs peuples antiques, tels que les Cananéens, les Hourrites, etc. Ce nationalisme syrien dut reculer ensuite devant la popularité des mouvements pro-arabes et pro-nassériens. Cette référence "syrienne" incluant donc une histoire non-arabe, celle des Kurdes, apparait comme une volonté de se démarquer de l'héritage de la R.A.U, tentative de fusion entre l'Egypte et surtout l'Irak. Cela même au moment où les Irakiens arabes sunnites luttent bec et ongles pour garder leur drapeau (souvenir de cette union) et la référence dans la Constitution irakienne à l'Irak, "comme partie de la Nation arabe", ce à quoi s'opposent naturellement les Kurdes, les Turkmènes et les Assyriens.

Face à la montée du mécontentement arabe, les Alaouites peuvent essayer ainsi de jouer la carte d'une Syrie multi-ethnique en prenant leurs distances avec le pan-arabisme, et ce afin de rallier les autres composantes de la Syrie autour de leur leadership. Peut-être la désagrégation probable de l'Irak en de multiples communautés leur semble-t-elle aussi de sinistre augure. En tous cas, malgré les arrestations et les intimidations que subissent encore les Kurdes, ce printemps sanglant ne peut être considéré comme un écrasement des revendications kurdes, tout au contraire.

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